Résumé J. M. Chauvier

Les conférences du CUEM. Conférence n°5, du 5 juin 2014 à la Maison des Syndicats de Paris VI — 23, Quai St Bernard 75005.

Jean-Marie Chauvier : L’Ukraine : un pays fracturé, le pivot de l’Eurasie.

Michel Gruselle introduit brièvement la réunion, pour laquelle l’Université n’a pas accordé de salle sur le campus. L’actualité donne un relief particulier à notre sujet, un sujet sur lequel JM Chauvier est parti­culièrement qualifié.

Jean-Marie Chauvier est journaliste et essayiste politique. Il est l’auteur ou le co-auteur de plu­sieurs ouvrages sur l’URSS et la Russie publiés en français, anglais, allemand, italien, japonais. Il a été journaliste à la RTBF de 1975 à 1996, successivement en radio et en télévision, et il a réali­sé plusieurs reportages et documentaires en URSS, Géorgie, Ukraine lors des grands bouleverse­ments de la Perestroïka et de la fin de l’URSS. Il a été collaborateur du quotidien Le Monde, de la revue “Les Temps modernes” et à partir de 1982 du Monde Diplomatique dont il devint l’envoyé spécial en URSS.

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J-M Chauvier :

J’ai découvert l’Ukraine en 1966 à l’époque où j’étais correspondant de presse en URSS et je n’y ai vu que des choses agréables. Dans les années 1990, au moment de la dislocation de l’URSS, en y retournant, j’ai compris qu’il y avait une question nationale et une diversité ukrainiennes.

A l’Ouest (Galicie) en 1991, je suis arrivé à Lviv (ou Lvov en polonais, ou Lemberg en allemand) dans une région agitée où j’ai assisté, très surpris et pour la première fois, à une réunion d’anciens combattants bandéristes, avec brochures pronazies, antisémites, exposant les théories raciales de Rosenberg.

Au Sud, à Odessa, l’atmosphère est très différente. Indifférence, attentisme, perplexité. “Est-ce que vous croyez que l’URSS va disparaître? De toutes façons ça se discute en haut lieu et sans nous“.

A Kiev, c’est encore autre chose, l’agitation est très forte, mais restreinte à l’élite : on discute chaudement les modalités du partage du gâteau.

Dans le Donbass, par contre, c’est l’inquiétude, le bois de mine n’arrive plus, le drap d’Ivanovo n’arrive plus. On a peur des conséquences économiques de la situation. On a peur du chômage.

En septembre 1991, le projet Gorbatchev d’une nouvelle communauté succédant à l’URSS a été soumise au référendum. Dans l’Est de l’Ukraine il a été approuvé massivement (77%). Dans l’Ouest, il était minoritaire. Vingt ans plus tard, l’opposition est-ouest, industrielle-rurale, etc. est toujours là. A chaque élection, on vérifie la partition économique, sociale, culturelle, idéologique de l’Ukraine. Il est donc dépourvu de signification de parler de “l’Ukraine” globalement, et surtout à propos des résultats d’une élection. C’est un peu comme si on disait “la Belgique a voté pour X ou Y” d’après les votes des seuls Flamands ou Wallons.

En paraphrasant Bourdieu : de quoi l’Ukraine est-elle le nom?

Les quinze Etats issus de l’ancienne URSS ont été confrontés à des crises identitaires (frontières, culture, etc.). N’oublions pas que la Russie est une fédération qui regroupe des peuples et des ethnies très différents qui ne sont “russes” que par le territoire.

De même, la “Biélorussie”, le Belarus, présente de grandes disparités : il est très semblable à la Russie dans les villes, mais la culture paysanne est différente.

Le territoire du Belarus et d’une partie de l’Ukraine sont le berceau de la Russie qui apparaît plus tard dans l’histoire (la Rus’ de Kiev). Il faut désapprendre de placer sur des pays anciens des noms de pays modernes. La Rus’ allait de la Baltique à la proximité de la mer Noire. Les territoires occidentaux sont ensuite passés dans le Grand Duché de Lithuanie, puis à la Pologne-Lithuanie avant d’être partagés entre Pologne et Empire austro-hongrois. Celui-ci incorporait la Galicie (Ruthénie) qui n’a jamais été russe. D’où, peut-être, son nationalisme.

Ces régions sont des “pays-frontières”.

L’Ukraine moderne n’a commencé à exister que dans la période révolutionnaire, de 1917 à la fon­dation de l’URSS (1922) qui comprend une république soviétique ukrainienne. Période troublée marquée de conflits avec les nationalistes de l’Ouest (Petlioura, Bandera, etc.), pogroms contre les juifs, et suivie de la terreur stalinienne (et famine) pendant la collectivisation des années 1930. De même, avec l’extension du territoire consécutive au Pacte Germano-soviétique et à l’invasion de la Pologne (1939) les gens virent arriver le NKVD. Terreur qui explique l’accueil triomphal des nazis dans certaines de ces régions.

L’OUN est l’organisation indépendantiste des nationalistes ukrainiens d’idéologie fasciste dont le dirigeant principal est Stepan Bandera. Elle a une branche militaire (l’Armée Insurrectionnelle Ukrainienne, ou UTA) de A Melnyk et Roman Choukhevytch. L’ensemble de ce mouvement est le creuset de la division SS “Galizien” et des volontaires ukrainiens des groupes d’extermination nazis (“Einsatzgruppen“). Quelques conflits avec les Allemands (Bandera fut emprisonné) sont racontés aujourd’hui comme une guérilla qui permettent de présenter les bandéristes comme des résistants antinazis[1], y compris dans des milieux de gauche (et parfois d’extrême gauche), ce qui est choquant.

Cette opération n’est possible qu’en raison d’un quadruple mensonge :

(1) Ne jamais rappeler l’idéologie nationaliste et raciale de l’OUN : “l’Ukraine au-dessus de tous” très proche de l’idéologie nazie.

(2) Oublier la “Légion ukrainienne” de la Wehrmacht (et ses bataillons “Roland” et “Nachtigall“) ou, si l’on en parle, oublier qu’ils ont été l’amorce de la division Waffen-SS “Galizien“.

(3) Evoquer la “Déclaration de Lviv“, déclaration d’indépendance ukrainienne, sans préciser qu’elle contenait un serment de fidélité à Hitler et au nazisme. Ce concept “d’indépendance” avait été inventé par Rosenberg pour faire éclater l’URSS (et les nations conquises) en attisant les con­flits ethniques et nationaux[2]. Mais Hitler ne voulait pas s’encombrer de principautés indépendan­tes et il y eut un virage politique qui créa un conflit entre les bandéristes et les nazis.

(4) Passer sous silence la participation des bandéristes aux expéditions génocidaires contre les juifs (“la Shoah par balles“) et les tsiganes, l’extermination des civils polonais de Volhynie, les expéditions punitives de désertification contre les paysans et les résistants, etc.

Tout cela est occulté, à la différence des “crimes du communisme” dont on nous abreuve depuis vingt ans. Le “Courrier International“, une revue de pointe dans ce domaine, fait référence à l’association russe “Mémorial” qui dénonce depuis longtemps les “crimes du stalinisme”. Et curieusement, tous les liens Internet qu’on y trouve renvoient à des sites d’extrême-droite.

Mais il y a une autre façon de raconter l’histoire qui n’est pas plus exacte, celle qui consiste à pré­senter l’Ukraine comme totalement ralliée à l’Allemagne nazie pendant la guerre parce que les crimes du NKVD l’avait rendue anti-soviétique. Or, par exemple, la Galicie polonaise, n’a pas connu la famine en 1933 et elle a résisté aux Allemands. Ou encore : l’Ukraine a fourni 7 millions de combattants à l’Armée rouge (dont on ne parle jamais) et environ 200 000 pro-nazis.

Les enjeux de la mémoire

Dans l’affaire récente de Maïdan[3], il n’a pas été tellement dit par les journalistes qu’on a détruit une quarantaine de statues de Lénine et des monuments aux morts et aux combattants de l’Armée rouge. Par contre, la mémoire, à l’Est, est majoritairement anti-nazie et “le fascisme ne passera pas” est un mot d’ordre très populaire.

Ce qui est surprenant, c’est la vitesse et l’ampleur du changement. En 2007, à Kiev, j’ai assisté, le 9 mai, à la commémoration de la victoire sur le nazisme, avec défilé militaire, drapeaux rouges et étoiles de l’Armée rouge, en présence de Youchenko qui avait réhabilité Bandera (devenu héros national!)

Le rôle de l’extrême-droite.

Il ne faut pas réduire les événements de Maïdan à la remontée du fascisme, mais il ne faut pas l’occulter non plus. Le parti “social-national” “Svoboda” fait 30% des suffrages en Galicie, 10% dans l’ensemble du pays et n’existe pas dans l’Est. Qui sont les “ounaoutsos”? Ce ne sont pas du tout des excités. C’est une constellation de milices aguerries et de groupes paramilitaires discipli­nés. Ils ont des camps d’entraînement et beaucoup sont allés se battre en Tchétchénie. Mais ce type d’informations n’intéresse personne dans les media. Ces groupes se sont constitués en “Pra­vyi sektor” (secteur de droite) en agglomérant les anciens partis de Youchenko et de Timochenko qui ont disparu.

Ces paramilitaires ont joué un rôle important en constituant les “groupes d’autodéfense”, fer de lance des manifestations contre la police anti-émeute et protecteurs des manifestants paisibles qui occupaient la place dans une ambiance de convivialité sympathique. Cet encadrement était immé­diatement repéré par les spécialistes. Pas par Monsieur BHL qui “n’a rien vu à Maïdan”. Evidem­ment, ces “militants” n’arboraient pas la croix gammée, mais ils se reconnaissaient occasionnelle­ment entre eux avec le signe des trois doigts levés (le trident), à la rigueur “plus sympa que la rune du loup” (qui existe toujours). Par contre, on n’a pas parlé de la “décoration” de la Mairie, à Maïdan, où figuraient de vraies croix gammées et même (bizarrement) quelques croix celtiques. Les émissaires des puissances occidentales étaient également très présentes à Maïdan. On a vu notamment Mme Nuland, la sous-secrétaire d’Etat américaine distribuer des sandwiches aux policiers..

Les événements.

Les événements se sont déroulés en deux temps. On a vu d’abord le torpillage du compromis qui avait été élaboré avec Yanoukovitch par un “plan B”, mis en œuvre dans la nuit du 18 au 19 février dernier. Comme chacun le sait, il y eut un assaut des bâtiments officiels et du Parlement, mais surtout, il y eut un appel à la radio de Pravyi Sektor à ses militants pour qu’ils viennent armés!! Le surlendemain, le 20 février, ce fut le bain de sang, provoqué par un tir de sniper. Très louche!! Mais il n’y eut jamais d’enquête.

On connaît la suite : 80 à 100 morts, fuite de Yanoukovitch. Terreur. Nouveau gouvernement d’alliance entre la droite libérale et “Svoboda“. Ce ne fut pas à proprement parler un coup d’Etat puisque il y a eu un vote au Parlement[4]. Mais dans ce “gouvernement intérimaire” sont entrés trois ou quatre membres de l’extrême droite et on a constaté que l’armée régulière était assez peu fiable pour réprimer les opposants. Les soldats refusaient de tirer. Alors, on s’est mis à recruter des “combattants” pour les intégrer à la nouvelle Garde Nationale, afin de réprimer les “terroristes” de l’Est. Quels sont ces combattants? Ce sont des gens des milices d’extrême-droite comme ceux du “bataillon du Donbass” (le mal nommé?)

La question sociale

A la chute de l’URSS on a vu apparaître, comme en Russie, un capitalisme de choc, prédateur, parasitaire et corrompu. Toutes les anciennes Républiques socialistes fédératives ont connu le même processus. Dix ans d’effondrement suivis d’une décennie de “croissance” – y compris des inégalités – qui a tout de même vu émerger une petite bourgeoisie “démocrate”. On peut faire un parallèle entre Maïdan et les manifestations de 2012 à Moscou.

L’Ukraine s’est beaucoup appauvrie en conséquence des luttes de clans féroces sans personnage central, comme Poutine, pour arbitrer et redresser. Influence délétère du FMI et de ses conditions et impéritie de Yanoukovitch. Le “mirage européen” qui a conditionné la crise actuelle a peut-être été fabriqué par une radio américaine.

Les enjeux géopolitiques

Le processus actuel débute avec l’accord de libre échange patronné par le FMI qui affiche la volonté de détruire les derniers vestiges de protection sociale. Annoncé le 27 mars, un prêt de 27 milliards de $ est conditionné par des mesures d’austérité, une baisse des salaires des fonction­naires et une augmentation de l’âge de la retraite. La Russie avait proposé de racheter la dette ukrainienne (15 milliards de $) et de relancer la coopération industrielle. Car l’Ukraine n’est pas seulement productrice de charbon et d’acier mais elle possède aussi des industries de pointe, aéronautiques et spatiales. Ce projet a été torpillé. Et la situation présente des similitudes avec celles créées par Clinton et par Bush dans d’autres partie du monde (ex-Yougoslavie, Irak, etc.)

On se souvient de la doctrine Brzezinsky (conseiller de Carter), partisan d’une politique agressive vis-à-vis de l’URSS à la fin des années 1970 : reprise de la course aux armements par les USA en agitant les droits de l’homme contre l’URSS.

De nombreux émissaires se sont succédé en Ukraine, de la part de l’Union Européenne et autres. Obama a délégué Mme Nuland, anciennement membre du tea-party. Et même Monsieur BHL est venu, sans doute pour chercher un emploi.

Dans ce jeu géopolitique, l’Ukraine n’est qu’un pivot. Il existe une multitude d’ONG financées par des fondations américaines et qui concrétisent une stratégie d’influence globale. Par exemple, UsAid en Ukraine était présidée par Mme Youchenko, elle-même originaire de la diaspora ukrai­nienne au Canada. Quelle est l’origine de cette diaspora? Elle provient essentiellement de Galicie et de l’Ouest de l’Ukraine. Un fort contingent est issu des survivants de la division SS “Galizien“, écrasée à l’été 1944 à la bataille de Brody[5]. Les restes de cette division furent envoyées massacrer les partisans (et les paysans) slovaques, puis yougoslaves, avant d’avoir la bonne idée de se ren­dre aux Américains qui les ont exfiltrés vers le Canada. Entre cette période de l’immédiat après-guerre et maintenant, de nombreuses organisations ont vu le jour à des fins de subversion de l’URSS et des pays communistes. En particulier, la “Ligue anticommuniste mondiale” (patronnée par Tchang-Kai-Chek) était issue du “Bloc des nations antibolcheviques” de l’Ukrainien Stetsko et appuyée par la secte Moon. La diaspora ukrainienne au Canada a joué un rôle important pour entretenir la flamme anticommuniste depuis la fin de la guerre.

En 1991, Leonid Kravtchouk premier président de l’Ukraine indépendante a interdit le Parti com­muniste (comme Yeltsine) afin d’utiliser son appareil à son profit. Le système médiatique et idéo­logique a été confié à des gens de la diaspora canadienne. Ils avaient des idées et des compéten­ces sur la manière d’apprendre aux Ukrainiens à être des Ukrainiens.

Les anciens de l’OUN et les collabos sont revenus du Goulag avec la “déstalinisation”.

En Galicie existe un état d’esprit particulier. Le sentiment d’être de “vrais ukrainiens”, de parler la “vraie langue ukrainienne”, etc.

Ce que les fondations américaines ont de bien, c’est qu’elles publient leurs comptes. On peut donc constater qu’elles subventionnent tous les mouvements de déstabilisation à l’Est sous couleur de “droits de l’homme”.Ce sont des réseaux et des stratégies d’influence.

La situation actuelle résulte de la convergence de deux courants : (1) ces réseaux américains, qui ont récemment “raccroché” les Européens, et (2) les réseaux “nationalistes”. Youchenko a joué un rôle important comme artisan d’une idéologie “nationale” basée sur deux points : (a) la “nation martyre“, victime de la famine orchestrée par Staline (“holomodor“) dont la mise en doute est un délit et (b) la “nation résistante” avec les figures de Bandera et de Choukhevytch. L’objectif est évidemment de dresser l’Ukraine contre la Russie.

D’où la résistance des populations de l’est. Beaucoup de gens originaires de l’Est auraient bien été manifester à Maïdan [contre la corruption], mais Maïdan a été tout de suite monopolisée par l’extrême-droite. Les événements récents ont créé une situation inenvisageable voici seulement quelques mois. L’idée d’une nation plurielle et neutre, qui soit un pont et non un fossé entre la Russie et l’Europe occidentale, est compromise.

La réaction russe est défensive, mais la position de Poutine est une position moyenne. Certains, à Moscou, voudraient aller plus loin et reconquérir l’Ukraine russe.

Les USA ont pour but d’amener (comme partout ailleurs) des troupes de l’OTAN et américaines aux frontières de la Russie. Avec leurs alliés de l’Union Européenne, ils ont des objectifs de con­quête : les Terres Noires, les forêts, les industries et la main d’œuvre qualifiée, etc..

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Discussion

Q1 (Lecas, pour information) Quels sont les liens de la diaspora ukrainienne avec les mafias? Et en particulier avec la mafia des trafiquants d’armes aux dimensions géopolitique. On connaît l’histoire de Viktor Bouts (le film “Lord of war“) qui, après 1991, est devenu milliardaire en pui­sant dans les stocks de l’Armée rouge situés en Ukraine (tanks, kalashnikov, etc.) pour alimenter le “marché” des petites guerres, en Afrique et partout dans le monde. Il n’a pas pu faire ça tout seul..

Réponse de JM Chauvier : Je ne sais pas, je vais me renseigner.

Questions groupées pour une réponse globale

Q1 (Samir Amin) Les frontières soviétiques de l’Ukraine, et d’autres républiques, ont été décou­pées pour atténuer le nationalisme grand-russien, raison également pour laquelle Khrouchtchev a donné la Crimée à l’Ukraine [Ces frontières sont donc artificielles]. Ensuite, en 1991, régnait à Moscou une atmosphère d’illusions : puisque nous rejoignons leur camp, les Américains vont nous redresser, comme ils l’ont fait avec le Japon, l’Allemagne, etc. Poutine semble avoir compris qu’il n’en a jamais été question et que l’impérialisme américain est dangereux pour la Russie. Mais, sur le plan intérieur, Poutine est un libéral. Il fait donc le grand écart et c’est une faiblesse. (Avec cette réserve que le projet eurasien n’est pas réactionnaire).

Q2 (Nicolas Spathis) Une spéculation : Les Américains ont du gaz de schiste : auraient-ils pour but d’empêcher la Russie de vendre son gaz?

Q3 (Yasmina) Reste-t-ils des Juifs en Ukraine? On a entendu parler d’anciens soldats israéliens enrôlés par Svoboda..

Q4 (Claude Pagani) Le paysage politique est à décrypter. Lorsqu’on écoute la radio en Pologne, on a l’impression que Le Pen est un radical de gauche. On entend par exemple des slogans révi­sionnistes dénonçant les “judéo-moscovites”. ça ne vous rappelle rien? Rappelons que dans la période de la guerre froide, les radios telles que “Voice of America” ou “Deutsche Welle” flat­taient tous les nationalismes. Depuis, la Russie ne cesse d’être agressée comme Etat.

Q5 (Michel Gruselle) L’effondrement de l’URSS a déclenché un repartage du monde. La question est de savoir comment les peuples peuvent-ils se ressaisir, résister et amorcer un changement révolutionnaire?

Q5bis (Samir Amin) Avec l’affaire ukrainienne, on voit se dessiner l’Europe allemande, la France vichyste, l’Angleterre attentiste. C’est le retour aux années trente!!

Q6 (Anne-Marie) Au proche Orient, en Egypte, Syrie, etc. Poutine est un dieu, il lutte contre l’impérialisme!, etc., etc.

Q7 (x) Quelle est la position des oligarques qui font du business avec la Russie?, car c’est une véritable guerre..

Q8 (Pierre Roubaud) Obama aurait dit qu’il disposait d’un milliard de $ pour renforcer la présen­ce militaire américaine en Europe de l’Est. Perspective d’une Europe allemande sous égide améri­caine. Remarquons que Poutine vient de signer un accord gazier avec la Chine. Dans les derniers temps, chaque renforcement de la position chinoise (par exemple en Afrique) a entraîné une inter­vention militaire impérialiste (Mali).

Q9 (Claude? Beaulieu?) Khrouchtchev était-il un nationaliste ukrainien?

Q10 (Catherine X) Obama a dit qu’il ne laisserait jamais la Crimée aux Russes.

Q11 (Jeannine Gruselle) On voit l’impérialisme américain tenter de s’imposer à tous les autres.

Q12 (Camilla) Le FMI et la Banque mondiale, depuis quelques temps ne parlent plus de “l’Europe”, mais de “l’Allemagne”

Réponse globale

Au sujet de Khrouchtchev, c’est le contraire : il a joué un rôle très répressif vis-à-vis des nationa­listes. Rappelons que Staline avait été le grand rassembleur des terres ukrainiennes : Galicie-Vohynie (prises à la Pologne), Bukovine et Bessarabie (prises à la Roumanie), etc. Mais personne ne remet en cause les frontières actuellement.

La fragmentation des Etats “dérangeants” pour mieux les réduire et les exploiter est une politique constante de l’impérialisme. On pense à la Yougoslavie dans les années 1990. Aujourd’hui, la Russie elle-même redevient un Etat dérangeant. Citation d’Himmler : “l’objectif n’est pas seule­ment d’éradiquer le communisme mais de détruire la Russie elle-même.” Au départ, avec l’armée de conseillers américains de Yeltsine, avec la mainmise des hommes de Washington et d’Israël sur le Ministère des Affaires Etrangères (et l’élimination de nombreux diplomates chevronnés), il y eut de grandes illusions sur un partenariat Est-Ouest. Vers 1996 et avec le départ de Yeltsine (1999), sur un fond de crise financière et de scandales, il y eut un renversement de tendance.

Que représente l’extrême-droite en Ukraine? 10%? 20%? 30%? Ses résultats électoraux sont très fluctuants. Aux élections présidentielles, on peut lui attribuer 1% à 2%. Porochenko était le seul candidat viable. On verra aux législatives. Il se peut que les gens réfléchissent, jugent qu’ils ne veulent pas la guerre, que l’extrême-droite ne leur amènera que des ennuis, etc. et donc finale­ment que son pourcentage électoral s’effondre. Porochenko est originaire de l’ouest, mais il est apparu comme raisonnable en se montrant désireux et capable de discuter avec Poutine. Mais que va-t-il faire de cette bonne réputation? Car depuis son élection, on assiste à une recrudescence des combats. Conseillers américains des troupes spéciales, CIA, etc. sont probablement sur place avec les nationalistes. Néanmoins ce n’est pas la guerre car il n’y a pas de haine à l’Est (contraire­ment à l’Ouest)

L’antisémitisme. Au début de Maïdan, il y a eu quelques agressions antisémites dans les quartiers bas de Kiev. A la suite de quoi, un rabin s’est ému et les organisations juives d’Ukraine ont réagi rapidement en appelant à soutenir Maïdan. Et il y a eu effectivement des combattants israéliens à Maïdan. Un arrangement des juifs avec leurs pires ennemis? Svoboda, bien sûr. Mais Svoboda n’est pas l’objectif. Il y a quelques oligarques juifs et une partie de l’extrême-droite admire Israël. Depuis 1961, chaque année, la République ukrainienne (d’abord soviétique, puis indépendante) rend hommage aux morts de Babi-Yar, où une “menora” israélienne a été installée plus loin que le monument de l’époque soviétique. Des représentants d’Israël viennent chaque année y faire leur propagande (dénonçant le “terrorisme” palestinien, par exemple), ce qui est assez déplaisant.

Les “oligarques” ukrainiens sont très partagés et n’ont peut-être pas encore choisi leur camp. Le libre-échange risque de soumettre les industries ukrainiennes à une concurrence intense. En Russie, les mot “oligarque” signifie à la fois “capitaliste” et “homme politique”. A Jeannine qui demande si les grandes entreprises russes sont plus “nationales” qu’ailleurs, JM Chauvier répond que 40% du capital des plus grandes est toujours détenu par l’Etat.

En ce qui concerne l’Allemagne et la Pologne, on peut se demander si l’Allemagne ne va pas fina­lement jouer un rôle positif d’amortisseur et de reconstructeur, à la différence des USA et de la Pologne. Celle-ci tente de renouer avec la politique anti-russe de Pilsudski, avant la IIe Guerre mondiale. A cette époque, le plan polonais “Prométhée” voulait à réunir tous les mouvements nationalistes ou de défense des minorités qui auraient été susceptibles de lutter contre la Russie. Après l’effondrement de la Pologne en 1939, les Nazis reprirent ce plan à leur compte.

 

 

[1]           NB Wikipédia présente systématiquement les mouvements nationalistes ukrainiens OUN, etc. comme des partisans ayant résisté successivement aux nazis puis aux soviétiques!!

[2]           NB N’est-ce pas la même idée que celle du livre “l’Empire éclaté” de H. Carrère d’Encausse, d’origine géorgienne?

[3]           Le mot “maïdan” signifie “place” et fait référence à la “Place de l’Indépendance” de Kiev.

[4]           NB Une question qu’il aurait été bon de poser à JM Chauvier : On a vu sur la 13 (Chaîne Parle­mentaire) un reportage où le Parlement ukrainien était décrit comme très peu représentatif car composé surtout d’oligarques ou de gens à leur service, leur chauffeur (sic) par exemple.

[5]           NB Lors de l’opération soviétique géante “Bagration” qui libéra la totalité du territoire soviéti­que. La partie ukrainienne de cette opération était sous la responsabilité du maréchal Koniev.