Texte A. Ruscio

Le PCF et la colonisation : 1920-1964

 

par Alain Ruscio

 

 

Données de base

 

La fondation du PCF, en décembre 1920, introduisit une donnée nouvelle dans la vie politique française, particulièrement dans l’attitude à l’égard des colonies. L’ambition initiale des communistes était de modifier radicalement les raisonnements antérieurs et de proclamer le droit absolu des colonies à l’indépendance.

 

La fidélité à ce principe ne fut pas absolue : les communistes français, certes héritiers du radicalisme léniniste, furent en même temps les relais d’une tradition républicaine française, nommée sur le tard – mais avec pertinence – fraternalisme par Aimé Césaire[1].

 

Le Congrès de Tours[2]

 

Même si une certaine historiographie communiste fait remonter au Congrès de Tours un changement radical d’attitude dans tous les domaines, il serait aventureux de prétendre que, dans le domaine colonial, ce fut le cas.

 

En juillet 1920 s’était tenu à Moscou le II ème congrès de l’Internationale, qui avait retenu 21 conditions pour être reconnu comme section. La (célèbre) huitième de ces conditions imposait de « soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies » et « d’entretenir parmi les troupes de la métropole une agitation continue contre toute oppression des peuples coloniaux »[3].

 

Cinq mois plus tard se tient à Tours le XVIII è Congrès national du Parti socialiste SFIO qui deviendra pour l’histoire, suite à l’adhésion à la nouvelle Internationale, le Parti communiste français. La nuit finit à Tours… Ce fut le titre d’un ouvrage de propagande, très en vogue au sein du PCF des années 1950 aux années 1970[4]. Dans le domaine colonial, en tout cas, ce ne fut pas le cas.

 

Deux interventions avaient été prévues.

 

Celle d’un professeur agrégé d’histoire, délégué par les socialistes d’Algérie pour défendre l’adhésion, qui signait alors Charles Julien[5], fut ajournée en raison de retards dans le déroulement des travaux[6].

 

La seule intervention spécifique consacrée au fait colonial à Tours fut donc le fait d’un jeune délégué – trente ans –, présenté comme celui de l’Indo-Chine (mais qui ne fut pas nommé, pour des raisons évidentes de sécurité). En fait, il s’agissait de Nguyen Ai Quoc[7], plus tard Ho Chi Minh. Le ton et le fond en étaient extrêmement modérés. Le futur Ho n’appelait nullement à la lutte pour une indépendance, même lointaine, de son pays. Il dénonçait les exactions coloniales et demandait à ses camarades un peu plus d’attention :

 

« Nous voyons dans l’adhésion à la III è Internationale la promesse formelle du Parti socialiste de donner enfin aux questions coloniales l’importance qu’elles méritent. »

 

Ho Chi Minh, Intervention, 26 décembre 1920

 

Jean Longuet ayant répondu et cité, comme illustration de son engagement, ses interventions parlementaires, il se fait sèchement remettre en place par Vaillant-Couturier :

 

« Je dois rendre hommage à l’action que Longuet a faite en faveur des camarades annamites. Mais ce à quoi notre camarade fait appel aujourd’hui, ce n’est pas seulement à cette action parlementaire, mais à celle de tout le Congrès en faveur des nations opprimées. »

 

Paul Vaillant-Couturier, Intervention, 26 décembre 1920

 

Le 29, une nouvelle passe d’armes, plus significative encore, oppose les deux hommes. Vaillant, lors de son allocution, affirme que la révolution ne peut être seulement « française », mais « mondiale ». Il fait de nouveau référence au « camarade indochinois », puis s’interrompt :

 

« PVC : Vous souriez, Longuet ? (…). Vous souriez quand je fais appel au témoignage du camarade indochinois…[8]

 

JL : Je souris de l’idée que c’est sans le prolétariat d’Europe que vous feriez la révolution…

 

PVC : (…). Je voudrais vous demander si un mouvement comme celui des Indes, un mouvement comme celui qui couve, vous le savez, dans le Penjab et le Bengale, ne risque pas de porter un coup à l’impérialisme anglais. Tous les coups portés à un impérialisme sont des coups portés au capitalisme de tous les pays.

 

Un délégué : C’est absurde.

 

PVC : Ce qui est absurde, c’est de ne pas nous tourner vers l’ensemble du mouvement mondial, dans une époque où tout tend vers l’universel. »

 

Paul Vaillant-Couturier & Jean Longuet, Interventions, 29 décembre 1920[9]

 

Mais n’allèrent pas au delà de ce débat. Ce furent donc les seules références à la question coloniale de ce congrès fondateur.

 

Les premières années

 

Mais, même si les thèses de Lénine et les directives de l’Internationale introduisent des concepts nouveaux, proposent – imposent – une stratégie nouvelle, la question coloniale ne va pas devenir, pour le jeune Parti communiste, primordiale.

 

Ajoutons à cette faiblesse en métropole l’orientation nettement hostile à la VIII è condition prise en Algérie, dont la célèbre motion de la section de Sidi bel Abbès.

 

Cette situation amène le IV è congrès de l’Internationale communiste à adopter une  Résolution sur la question française (novembre 1922). Cette résolution est d’une particulière rudesse sur divers aspects de la vie du PCF :

 

« Notre parti français a conservé (…) l’héritage psychologique du réformisme, du parlementarisme et du patriotisme. »

 

L’Humanité, 18 décembre 1922

 

Dénonciations NAQ

 

La même année, ce même jeune Vietnamien, quelque part dans un bureau de l’Internationale communiste, rédige un Rapport sur son pays. Sa conclusion :

 

« Rien n’empêche de compléter le “fondement historique“ du marxisme par l’apport des matériaux dont le maître ne pouvait disposer à son époque. Marx a bâti sa doctrine sur une certaine philosophie de l’Histoire, mais quelle Histoire ? Celle de l’Europe. Mais qu’est-ce que l’Europe ? Ce n’est pas toute l’humanité. »

 

Nguyen Ai Quoc, Rapport, Moscou, 1924[10]

 

Toujours au V è congrès de l’IC, une autre attaque est portée contre le PCF. Pour les dirigeants de celui-ci, c’est plus grave, car l’orateur est Manouilski, une étoile montante de l’Internationale.

On peut voir la réaction immédiate des communistes français à ces injonctions de l’Internationale à la simple lecture de L’Humanité. Le 3 juillet 1924, le quotidien communiste publie une lettre de l’émir Khaled à Herriot, en Une (avec un portrait de l’émir)[11]. Le 7, c’est Marcel Cachin qui expose le nouveau cours de la politique du PCF[12].

La lutte contre la guerre du Rif[13]

Dès lors, le terrain est idéologiquement déblayé : le jeune Parti communiste est prêt pour soutenir son véritable baptême du feu, la lutte contre une guerre qui oppose les Rifains à deux occupants européens, les Espagnols et les Français[14]. Avant même l’intervention française, le fameux télégramme de Pierre Semard, Secrétaire général du PC, et de Jacques Doriot, des Jeunesses communistes, à Abd el-Krim[15] (septembre 1924), donne le ton :

 

« Groupe parlementaire, comité directeur du Parti communiste, comité national des Jeunesses communistes saluent la brillante victoire du peuple marocain sur les impérialistes espagnols. Ils félicitent son vaillant chef Abd el- Krim. Espèrent qu’après la victoire définitive sur l’impérialisme espagnol, qu’il continuera, en liaison avec le prolétariat français et européen, la lutte contre tous les impérialistes, français y compris, jusqu’à la libération complète du sol marocain. Vive l’indépendance du Maroc ! Vive la lutte internationale des peuples coloniaux et du prolétariat mondial ! »

 

Pierre Semard & Jacques Doriot, Télégramme à Abd el-Krim, 10 septembre 1924[16]

 

Le moins que l’on puisse écrire est que les communistes ne masquent pas leur soutien : le texte figure en Une de L’Humanité, sous un titre flamboyant (« Le Parti communiste français unanime félicite Abd-el-Krim pour ses succès »), accompagné d’une photo de l’insurgé rifain. Ce texte fait grand bruit. D’autant que Doriot le relit avec fougue et une fierté affichée, à la Chambre, le 4 février 1925, provoquant un torrent d’invectives de tous les députés non communistes.

 

En octobre, un nouveau pas est franchi. À l’initiative de PC, de la CGTU et d’un Comité d’action – dirigé par le jeune Maurice Thorez – a lieu une grève générale contre la guerre (thème auquel est toujours associée la dénonciation des événements en Syrie) :

PCF, CGTU, Comité d’Action contre la guerre du Rif, Appel à la grève, 10 octobre 1925[17]

 

Au lendemain de la grève, Gaston Monmousseau, le 16 octobre, dans La Vie Ouvrière, affirme que plus d’un million de grévistes ont participé au mouvement, des centaines de milliers d’autres « se sont solidarisés par des moyens appropriés ». Ce chiffre d’un million de grévistes, légèrement érodé à 900.000, va désormais entrer dans la saga révolutionnaire. Chiffre-étendard, mais qui paraît à l’analyse peu probable : aux élections législatives de mai 1924, les listes communistes avaient recueilli 900.000 voix. Les études historiques, plus prudentes, retiennent en général une fourchette entre 400 et 600.000[18], ce qui est déjà considérable.

 

Cette propagande et ces actions coûtèrent très cher à l’appareil communiste. Lors des manifestations – violentes à l’époque – il y eut des centaines de blessés ; un ouvrier, André Sabatier, fut tué par balle par un ingénieur de l’usine Radio-Electric de Suresnes, qui avait reçu une pierre… La police procéda à plusieurs centaines d’arrestations, beaucoup pour fait de grève (167 pour le seul 12 octobre), d’autres pour participation à des mouvements ayant entraîné des heurts avec la police, d’autres enfin pour des motifs  pouvant aller jusqu’à… fredonner des chansons subversives, telle que Au Maroc, ou réciter le poème de Monthéhus Aux victimes du Maroc[19]. En novembre, on dénombre 165 militants emprisonnés et 263 poursuivis. Les tribunaux requièrent 320 années de prison[20]. Le record en la matière est détenu par Jean Georges, le Secrétaire de l’UD CGTU de Haute-Garonne, qui est condamné à 15 mois. Le jeune Maurice Thorez écope de 14 mois. Des élus sont arrêtés : le maire de Saint-Pierre-des-Corps, Hénault, qui répond au beau prénom de Robespierre, reste 6 mois en prison. Dans ces conditions, il fallait un caractère trempé et une conviction à toute épreuve pour participer à de tels mouvements.

 

Mais il est une autre dimension : si cet épisode vit adhérer au PCF des éléments venus du syndicalisme révolutionnaire, dont Gaston Monmousseau, des intellectuels radicalisés, Benjamin Péret, André Breton, Eluard, Pierre Unik (qui ne resteront au Parti que peu de temps), Aragon, il fut aussi un moment de départs massifs d’éléments déroutés par la gauchisation du discours et des pratiques, effrayés sans doute par la répression. Au V è Congrès, le secrétaire général Pierre Semard admet qu’il y a eu « baisse des effectifs ». La première raison invoquée est la perte d’ « éléments timorés (…) pendant notre campagne défaitiste contre les guerres du Maroc et de Syrie », la Fédération la plus sensible à cette question, celle d’Algérie, ayant « perdu les trois quarts de ses effectifs »[21].

 

La décennie héroïque

 

La dénonciation de la guerre du Rif, à laquelle est toujours associée celle de l’intervention en Syrie, ouvre une décennie d’intense activité anticolonialiste.

 

Le PCF est alors la seule force organisée nationale qui axe sa propagande sur l’exigence de l’indépendance des pays colonisés. Nous appelons, écrit alors L’Humanité, « à la libération totale » des indigènes d’Afrique du Nord et à « l’indépendance de l’Algérie »[22].

 

André Berthon fait scandale en s’écriant face aux députés :

 

« La Tunisie aux Tunisiens. »

 

André Berthon, Chambre des Députés, 20 janvier 1925

 

Dans la presse, dans les meetings, dans les assemblées élues, les débats opposent désormais les communistes à toutes les autres familles politiques, même si les socialistes critiquent parfois les excès du système.

 

Durant cette période, la dénonciation des pratiques coloniales est quasi quotidienne dans L’Humanité.

 

Discours contemporain de Barbusse, lors du Congrès fondateur de la Ligue contre l’oppression coloniale et l’impérialisme, à Bruxelles :

 

« L‘impéria­lisme, c’est l’exploitation. Dans les colonies, l’étranger n’est le tortionnaire que parce qu’il est avant tout l’exploiteur, et quand les bêtes de somme se dressent contre les bêtes de proie, c’est un fait social et ce n’est pas, comme on veut nous le faire croire, une question de xénophobie et de na­tionalisme. Il n’en reste pas moins que l’indépendance nationale est la première étape de l’indépendance humaine. »

 

Henri Barbusse, Discours, 10 février 1927[23]

 

Ou à propos de l’Indochine :

 

Maurice Thorez, Chambre des députés, 13 mars 1933

 

Le PCF est alors bien seul – encore une fois comme force politique de dimension nationale – à combattre de front les grandes initiatives officielles d’exaltation du colonialisme. Lors des cérémonies dites du Centenaire de l’Algérie (1930)[24], lors du congrès eucharistique de Carthage (1930)[25], puis à l’occasion de l’Exposition coloniale internationale de Paris Vincennes (1931)[26], L’Humanité porte le fer dans la plaie. En particulier, ils sont à l’initiative de l’organisation d’une contre-Exposition coloniale[27], qui se révélera un échec populaire, mais qui eut une forte valeur symbolique.

 

Cette période est également marquée par une activité des (rares) militants communistes vivant aux colonies.

 

L’exemple le plus connu est celui de Robert Louzon[28], installé en Tunisie avant la Première guerre mondiale, fondateur et secrétaire de la Fédération communiste tunisienne. Ayant également fondé un journal, vite interdit, il est expulsé de Tunisie en 1922[29].

 

À Madagascar, un épisode a marqué les esprits. En 1927, deux métropolitains, François Vittori[30] et Édouard Planque, et des Malgaches, fondent le Parti communiste, Section malgache de l’Internationale communiste, dont la première action d’éclat a lieu le 19 mai 1929[31], suite à l’interdiction faite aux Malgaches d’assister à une réunion publique[32]. :

 

« Une manifestation de plus de 30.000 Malgaches se forme rapidement, aux cris de : « La liberté ! À bas l’indigénat ! À bas Ollivier[33] ! Madagascar aux Malgaches !“. L’affolement règne à la résidence et à la police. Berthier, gouverneur par intérim, fait appel à la troupe. “Surtout, dit-il, pas de tirailleurs malgaches, ils ne marcheront pas ; des tirailleurs sénégalais et des métropolitains“. »

 

Jacques Péraud, L’Humanité, 2 septembre 1929[34]

 

Leur procès, en décembre 1929-janvier 1930, sera un grand événement local. Le Secours Rouge avait envoyé un avocat parisien. Seuls Planque et Vittori furent  condamnés : 18 mois de prison et 10 années d’interdiction de séjour. À l’écoute de ce verdict, ils se mirent à chanter L’Internationale, ce qui leur valut… deux années supplémentaires de prison, pour injures au Tribunal ! Vittori sortira de prison en 1933, Planque en 1934[35].

 

Les communistes et les travailleurs coloniaux

 

Les communistes ont une autre question, relativement nouvelle, à gérer : comment s’adresser à la masse des travailleurs coloniaux – c’était l’expression la plus courante, alors – venus en métropole ? Étaient-ils des éléments du prolétariat ?

 

La réponse fut très rapidement donnée par les principaux intéressés. Autour du Vietnamien Nguyen Ai Quoc et de l’Algérien Abdelkader Hadj Ali[36] se forma un noyau de militants venus de tous les pays de l’Empire, le Malgache Samuel Stephany, le Sénégalais Lamine Senghor, le Guadeloupéen Max Clainville-Bloncourt.  Il prit dès 1921 le nom d’Union intercoloniale[37], qui se dota d’un périodique, Le Paria, tribune du prolétariat colonial (1922-1926).

 

Au passage, une façon discrète, mais efficace, d’affirmer que les peuples colonisés ne pouvaient être un appoint aux luttes du prolétariat de métropole, mais une composante à part entière.

 

Lors des élections législatives de mai 1924 (qui verront la victoire du Cartel des gauches), pour la première fois dans l’histoire politique française, un indigène fut  candidat officiel d’un parti politique en métropole : le PC présenta à Paris Abdelkader Hadj Ali (souvent orthographié alors Hadjali). Il obtint 40.580 voix, la moyenne de la liste communiste étant de 40.781, mais ne fut pas élu, à 20 voix près. Démonstration avait pourtant été faite que l’insertion des colonisés dans la vie politique française était un des moyens de combattre le racisme.

 

Le PC récidiva l’année suivante, pour les municipales : outre Hadj Ali, candidat dans la quartier du Jardin des Plantes, Lamine Senghor fut présenté à la Salpetrière. Occasion pour les communistes de faire une campagne spécifique en direction des travailleurs colonisés, évidemment non-électeurs.

 

Les deux candidats ne seront pas élus : Hadj Ali obtint 842 voix sur 5.923 exprimés, soit 14 % et Senghor 905 sur 5.031, soit 18 %.

 

Allant même plus loin, le groupe communiste à la Chambre demanda même, dès 1927,  le droit de vote pour les « indigènes non naturalisés de toutes les colonies »[38]. On imagine que le projet fut repoussé, au milieu des quolibets et des invectives, seul le groupe communiste ayant voté pour…

 

Durant la guerre du Rif, les militants communistes distribuèrent des tracts et brochures en langue arabe aux immigrés et soldats maghrébins. L’Humanité se fit souvent l’écho d’arrestations. On sait que le jeune Messali Hadj, encore inconnu, arrivé en France en 1923, assista au congrès des 4 et 5 juillet 1925 contre la guerre du Rif[39].

 

Ce même Messali devint un temps communiste. Il fut particulièrement influencé par son aîné – en âge et en politique – Abdelkader Hadj Ali, déjà nommé. Avec d’autres militants, ils fondèrent en 1926 l’Étoile Nord-africaine (ÉNA)[40] – en fait, pratiquement constituée des seuls Algériens, la principale exception étant Chedly Khaïrallah, membre du Destour tunisien, arrivé en France en novembre 1926 pour y poursuivre des études de Droit, vite repéré par la police, puis expulsé[41]. Cette ÉNA restera dans l’histoire comme la première à avoir revendique publiquement l’indépendance. En octobre 1926, Hadj Ali et Messali tiennent un meeting, Salle des Ingénieurs civils, qui s’achève par la promesse de lutter « jusqu’à l’indépendance »[42]. Mot d’ordre repris par Messali lors du Congrès international de la Ligue contre l’oppression coloniale (Bruxelles, février 1927[43]).

 

Les communistes, aux commandes de la CGTU, firent un effort systématique pour organiser les travailleurs coloniaux. En 1924, ils organisent le Congrès des ouvriers nord-Africains. 150 délégués y assistent. Jacques Doriot conclut de cet événement :

 

« Le front unique du prolétariat français et des peuples coloniaux est constitué. »

 

Jacques Doriot, Discours, 7 décembre 1924[44]

 

Si l’on en croit les informateurs de police, les communistes et la CGTU auraient alors réussi à organiser près de 8.000 ouvriers nord-africains en France[45], essentiellement en région parisienne, soit de l’ordre de 10 % de cette main d’œuvre. Certains d’entre eux, tel  Salah Bouchafa, eurent des responsabilités alternativement – ou simultanément – à la CGTU et au PCF.

 

Le tournant du Front populaire

 

Mais dès 1934 se fait jour une évolution fondamentale dans la politique communiste. La prise du pouvoir par Hitler, la montée de l’extrême droite et les échauffourées de février 1934 amènent le PCF à considérer que la défense de la démocratie, même bourgeoise, l’emporte sur les aspirations révolutionnaires.

 

Cette évolution produit ses effets dans le domaine colonial – plus sans doute que dans tous les autres aspects de la politique du PCF. Calquant leur raisonnement colonial sur le schéma hexagonal, les dirigeants communistes expliquent : en France, l’alternative n’est plus capitalisme ou socialisme ? , mais fascisme ou développement de la démocratie ? ; de la même façon, outre-mer, l’alternative n‘est plus enchaînement ou indépendance ? , mais accaparement par les pays fascistes ou rapprochement avec une France démocratique ? On sent, chez ces dirigeants, une hantise – probablement sincère – de la montée du fascisme dans le monde. Dans ces conditions, il ne faut pas affaiblir la démocratie française. Paradoxe, un des thèmes favoris du parti colonial, la grandeur par l’Empire, vient trouver place dans le discours communiste.

 

Le tournant, esquissé, dès 1934, prend de l’ampleur avec la victoire du Front populaire, puis sera théorisé par le Secrétaire général en 1937 :

 

« La revendication fondamentale de notre Parti communiste concernant les peuples coloniaux reste la libre disposition, le droit à l’indépendance. Rappelant une formule de Lénine, nous avons déjà dit aux camarades tunisiens, qui nous ont approuvés, que le droit au divorce ne signifiait pas l’obligation de divorcer[46]. Si la question décisive du moment, c’est la lutte victorieuse contre le fascisme, l’intérêt des peuples coloniaux est dans leur union avec le peuple de France et non dans une attitude qui pourrait favoriser les entreprises du fascisme et placer, par exemple, la Tunisie et le Maroc sous le joug de Mussolini ou de Hitler, ou faire de l’Indochine une base d’opérations pour le Japon militariste.

 

Créer les conditions de cette union, libre, confiante et fraternelle des peuples coloniaux avec notre peuple, n’est-ce pas, là encore, travailler à remplir la mission de la France à travers le monde ? »

 

Maurice Thorez, IX è congrès du PCF, décembre 1937[47]

 

Évoquer ici Algérie = nation en formation (MT février 1939)

 

Le premier accusé était évidemment le Reich nazi, mais aussi l’Italie fasciste (en particulier en Tunisie), l’Espagne franquiste (au Maroc) et le Japon militariste (en Indochine).

 

Durant trois années – en fait jusqu’à la veille de la guerre, la critique communiste de la politique gouvernementale va se faire à fleurets mouchetés, et souvent même disparaître. Misant sur une hypothétique bonne volonté des responsables de la politique coloniale, le PCF expliquera les lenteurs, les hésitations, puis le regain de répression, par le sabotage des agents fascistes. Lorsque, en novembre 1936, Marius Moutet réunit les gouverneurs généraux, il emploie des formules que L’Humanité reprend sans distance critique : il faut mettre fin à une « colonisation égoïste » qui ne se préoccuperait que d’exploiter les indigènes, qui ne se soucierait « que d’une exportation drainant richesse et capitaux et enrayant l’épanouissement économique des colonies ».

 

Le journal communiste commente :

 

« Hélas, la politique énoncée par le camarade Moutet, est déformée et sabotée dans les colonies par des hauts fonctionnaires fascistes. »

 

 

La presse communiste va certes annoncer et soutenir les revendications sociales des colonisés, mais prendre ses distances avec la dimension nationale de la protestation – à l’exception de l’Indochine, où leurs camarades étaient aux commandes. En témoigne le soutien aux dissolutions successives de l’Étoile nord-africaine, du Comité d’action marocaine et du Néo-Destour. Reprenant un schéma habituellement réservé à la pensée conservatrice, les communistes vont même voir des meneurs[48] à la solde de l’étranger un peu partout.

 

Durant la guerre mondiale

 

Survient la guerre mondiale. On imagine que le PCF, privé de sa presse (26 août 1939), puis interdit (26 septembre), ne peut avoir comme préoccupation première la question coloniale. A fortiori lorsque l’occupant nazi, à partir de mai 1940, vient renforcer la répression.

 

On sait que, durant une première partie de la guerre, le PCF, calquant ses analyses sur celles de l’Internationale, caractérise le conflit en cours comme inter-impérialiste, renvoyant dos à dos les deux camps. Les rares références ou allusions dans la presse clandestine s’inspirent – ou plutôt se ré-inspirent – d’un anticolonialisme radical. La tâche d’un gouvernement authentique du peuple sera de « proclamer l’indépendance des peuples opprimés des colonies, des protectorats, des territoires sous mandat »[49]. L’insurrection vietnamienne de novembre 1940, dans le sud du pays, est saluée, la violente répression qui lui répond est dénoncée ;

 

L’analyse du conflit comme opposant deux impérialismes pareillement honnis résiste cependant mal. D’une part, l’occupation nazie est terrible. D’autre part, l’entrée de l’URSS dans le combat, en juin 1941, modifie aux yeux des communistes la nature même du conflit. S’ensuit un cheminement vers les autres mouvements de résistance. Les contacts avec le Comité français de libération nationale (voyage de Fernand Grenier à Londres, auprès de De Gaulle, février 1943, entrée du même Grenier et de François Billoux au Comité en février 1944) sanctionne cette évolution rapide.

 

Cette évolution est évidemment sensible dans les conceptions coloniales du PCF. Il n’est plus question d’impérialisme français. De nouveau s’impose le thème de l’ère Front populaire, l’union des forces des peuples français et colonisés contre un ennemi ô combien dangereux. Dans un texte qui prend un ton très officiel, il est indiqué que cette participation au CFLN a pour but de mettre en œuvre « tous les moyens de l’Empire et de la France pour la guerre » et, dans le domaine colonial, la mise en œuvre d’une « politique d’union de la plus grande France par la compréhension et la satisfaction des légitimes revendications des masses indigènes »[50] ;

 

Il a été maintes fois souligné que les hommes de la Résistance française, au courage immense, au patriotisme sans faille, n’avaient pas porté de regard neuf sur la question coloniale, n’avaient nullement imaginé que le droit à l’indépendance pût concerner les peuples indigènes. Dans le programme du CNR, une phrase seulement, on ne peut plus vague, est consacrée à cette question : « Une extension des droits politiques, sociaux et économiques des populations indigènes et coloniales » (partie II, c). En ce domaine, les communistes ne prirent pas – en tout cas publiquement – leurs distances.

 

La Libération obtenue, le PCF reproduit, parfois au mot près, l’argumentaire de 1936. Son poids dans la vie politique, sa présence au gouvernement, son prestige, bien au delà des rangs de ses sympathisants, son contrôle de fait sur la puissante CGT réunifiée, ses espoirs d’absorber la SFIO dans un Parti ouvrier unifié, lui laissent entrevoir une évolution de la société vers un socialisme à la française. C’est l’époque où Maurice Thorez émet l’hypothèse, alors hardie, d’une possible « marche au socialisme (par) d’autres chemins que celui suivi par les communistes russes »[51]. Pourquoi, dans ces conditions, les peuples colonisés, qui pourraient en profiter, se sépareraient-ils d’une France sur une si bonne voie ? La formule de Lénine sur le droit au divorce… (re)fleurit alors dans toute la presse communiste. Sans le dire ouvertement, le PCF imagine que cette France socialiste pourrait jouer le rôle qu’avait joué la Russie bolchévik à l’égard des peuples allogènes non russes. Un certain nombre de positions ultérieures – l’acceptation de l’Union française, même assortie des adjectifs libre et fraternelle[52], la dramatique approbation des massacres de Sétif[53], les hésitations lors du déclenchement de la guerre d’Indochine – proviennent de cette analyse originelle.

 

« Installée à Alger et à Tunis comme à Marseille, la France est et doit rester une grande puissance africaine. »

 

Florimond Bonte, Assemblée constituante, 21 novembre 1944

 

Un vieux militant comme Henri Lozeray, qui avait consacré toute sa vie militante à la dénonciation du colonialisme, en rajoutait même sur les thèmes habituels :

 

« Il ne saurait être question de l’amélioration du sort des peuples colonisés sans une union étroite de ceux-ci avec le peuple, les masses travailleuses des pays métropolitains (…). Nous le disons avec netteté et sans équivoque, si les populations de la France d’outre-mer ont le droit de se séparer de la Métropole, cette aspiration, à l’heure présente, irait à l’encontre des intérêts de ces populations (…). Il ne fait de doute pour personne que les colonies françaises (…) sont absolument incapables d’exister économiquement et, par conséquent, politiquement, comme nations indépendantes. »

 

Henri Lozeray, Cahiers du communisme, avril 1945[54]

 

On était donc passé du droit au divorce au refus absolu (« Il ne saurait être question… Il ne fait de doute pour personne… ») du divorce par l’un des conjoints.

 

Dans cet esprit, les communistes votent en faveur de la Constitution de 1946, et notamment de son titre VIII, portant sur l’Union française, progrès certes sur la situation coloniale stricto sensu, mais empreinte encore de la vieille idée de possessions périphériques liées au centre, la métropole.

 

Durant la guerre froide : retour aux thèmes radicaux

 

Cependant, l’éviction des ministres communistes (mai 1947), puis la fondation en Pologne du Kominform avec la participation du PCF (septembre) consacrent une rupture profonde. Les communistes sont désormais la seule force politique nationale[55] qui combat de front les choix gouvernementaux, que ce soit en matière sociale (grèves des mineurs), en politique internationale (la théorie du bloc de l’impérialisme et du camp de la paix) ou encore dans le domaine colonial.

 

Avec la lutte contre la guerre d’Indochine[56], les communistes vont connaître leur seconde grande épopée, après le Rif. Renouant d’ailleurs avec une ancienne pratique (voir le télégramme de Semard et Doriot à Abd el-Krim), Jacques Duclos envoie et rend public un message à Ho Chi Minh :

 

« Nous vous assurons de la solidarité agissante de la classe ouvrière et du peuple de France (…). Nous sommes certains que la lutte commune de nos deux peuples mettra fin à cette guerre injuste, imposera la conclusion de la paix et assurera l’indépendance du Viet Nam, permettant ainsi l’établissement, sur une base d’égalité, de relations politiques, économiques et culturelles correspondant aux intérêts du peuple du Viet Nam et du peuple de France. »

 

Jacques Duclos, Message à Ho Chi Minh, 3 mars 1952[57]

 

Les thèmes de la campagne étaient clairs : contrairement à ce qui se passa ensuite avec l’Algérie, les mots d’ordre Indépendance du Viêt Nam et Négociation avec Ho Chi Minh, s’imposèrent d’emblée :

 

« Il faut négocier avec Ho Chi Minh. »

 

Pierre Courtade, L’Humanité, 8 février 1947

 

Fait rare, au cours même de la guerre, le PCF envoya trois de ses dirigeants, pour un soutien politique, auprès des dirigeants du Viet Minh, Léo Figuères[58], Jean Marrane, dit Roland, et X[59], dit André.

 

Le PCF sera de 1947 à 1954 la cheville ouvrière de la quasi totalité des mouvements de lutte contre la sale guerre[60]. Cette lutte prit parfois un tour violent (destruction de matériel de guerre) et radical (grèves des dockers). Cependant, la crainte de l’isolement d’une avant-garde amena les communistes à chercher des formes plus rassembleuses. Les campagnes en faveur de la libération de Raymonde Dien[61] (1950) et d’Henri Martin[62] (1950-1953) permirent de mobiliser des masses importantes de militants, de sympathisants, mais aussi de femmes et d’hommes peu habitués à cheminer avec les communistes. Chez les intellectuels, par exemple, Jean-Paul Sartre[63] fut à l’origine de la publication d’un livre, L’affaire Henri Martin[64], auquel collaborèrent également Prévert, Hervé Bazin, Vercors…

 

Mais les communistes furent alors présents sur d’autres fronts. Ils retrouvèrent d’ailleurs les accents des premiers grands combats :

 

« La Tunisie aux Tunisiens. »

 

Léon Feix, L’Humanité, 5 avril 1952

 

Écrit lors de la déposition du sultan du Maroc, Mohammed ben Youssef :

 

« La vérité, c’est que le problème posé l’est entre l’ensemble du peuple marocain et ceux qui l’exploitent, c’est que la sinistre comédie et la sanglante aventure de ces dernières semaines n’ont absolument rien réglé, que la question, non seulement reste entière, mais pour l’impérialisme français, elle s’est encore aggravée encore sens qu’il doit faire face aujourd’hui à un mouvement national qui prend chaque jour plus d’ampleur et s’organise dans la lutte pour l’indépendance. »

 

Robert Lambotte, L’Humanité, 8 septembre 1953[65]

 

Ton radical également pour l’Algérie. Thème indépendance réapparaît par intermittences. Violentes dénonciations répression, « élections à la Naegelen », etc.

 

En Afrique subsaharienne, le PCF fut quelque temps le principal – en fait, le seul – soutien du jeune Rassemblement démocratique africain (RDA)[66], fondé à Bamako en 1946, avant le brusque passage dans le camp gouvernemental de son principal dirigeant, Félix Houphouët-Boigny.

 

Le fraternalisme[67]

 

Cette activité multiforme ne fut pas pourtant exempte d’ambiguïtés. Comment ne pas s’étonner, par exemple, que, durant toute la décennie d’après Libération, la référence à cette Union française, même assortie des adjectifs libre et fraternelle, ait été maintenue, malgré la guerre d’Indochine, malgré les ratissages (Madagascar 1947, Tunisie 1952, Maroc 1953) et les répressions (arrestations de leaders africains et maghrébins) ? Même  au plus fort de leur isolement, les communistes pensaient pouvoir peser sur les choix du pays, voire inverser sa politique, en provoquant le basculement à gauche du Parti socialiste.

 

Ainsi, durant toute cette période, le front unique socialo-communiste, l’espérance d’un nouveau Front populaire ont été l’axe de la stratégie du PCF. Il imaginait que cette gauche française à dominante communiste pourrait aider les peuples colonisés à obtenir une émancipation graduelle. Calcul politique qui avait sa cohérence interne, mais qui se révéla inopérant : l’indépendance de l’Indochine fut obtenue par les soldats de Giap, celle de l’Algérie par un compromis final entre FLN et gaullisme ; les autres accompagnèrent ou suivirent.

 

De tous les départs qui clairsemèrent les rangs communistes, à partir de 1956, la moins importante ne fut certes pas celui d’Aimé Césaire[68]. Le principal reproche – en tout cas dans le domaine colonial – que fait Césaire au PC est la notion de hiérarchie des causes, le célèbre tout et partie, quasiment théorisé par Maurice Thorez lors de l’explication du vote des Pouvoirs spéciaux de mars 1956. Les communistes eux-mêmes sont, depuis, revenus de façon critique sur cet épisode. En 1977, Etienne Fajon le qualifia d’ « acte contestable »[69]. Il fallut tout de même attendre 2001 pour que le mot « erreur » fût employé par un autre dirigeant, Roland Leroy[70]. Erreur ? Ne faut-il pas plutôt considérer qu’il s’est agi de l’aboutissement d’une logique, qui puisait ses racines dans une ancienne tradition du mouvement ouvrier et communiste, qui dépassa largement les frontières de la France. Cette logique a un nom, l’européocentrisme, ou dans le cas français le gallocentrisme. Elle a une épine dorsale, la distinction entre un centre, l’Union soviétique et les prolétariats, représentés par leurs Partis communistes, et une périphérie, les masses colonisées ou semi-colonisées d’Orient. Elle a une forme, le fraternalisme, selon le néologisme forgé par Césaire dans sa Lettre.

 

Guerre d’Algérie : Données de base

 

Avec la guerre d’Algérie, un triple problème, qualitativement nouveau, se posa aux communistes : en métropole, une opinion fermement ancrée, du moins dans les premiers temps, dans le schéma Algérie = départements français ; sur place, une population européenne, loin d’être constituée des seuls colons exploiteurs, qui fit tout de même bloc autour du maintien de l’Algérie dans l’orbite française ; enfin, un mouvement nationaliste non communiste, à dominante religieuse, source de méfiance mutuelle.

 

Il faudrait – et il faudra – en outre introduire des nuances entre les analyses et actions des communistes français et algériens (ces derniers étant contraints à la clandestinité dès septembre 1955).

 

Les premiers temps

 

Pour comprendre les toutes premières analyses des communistes, après le 1er  novembre 1954, il ne faut pas oublier une dimension politico-psychologique rarement prise en compte dans les études historiques. Les communistes français sortaient d’une dure bataille contre une autre guerre coloniale, celle d’Indochine (achevée trois mois plus tôt). Or, ils avaient été, quasiment de bout en bout, en symbiose avec les nationalistes vietnamiens, dont le chef, Ho Chi Minh, était un ancien de la III ème Internationale, compagnon de Cachin, ami de Thorez, de Duclos. Même culture, mêmes analyses, mêmes réflexes. Et, trois mois plus tard, à qui ont-ils affaire ? À des inconnus, qu’ils soupçonnent d’aventurisme. Leur interlocuteur / adversaire historique, Messali Hadj, paraît lui-même hors jeu. Les communistes n’ont pas de boussole, pas de points de repère.

 

La toute première édition du quotidien communiste titre :

 

« Graves événements en Algérie. Plusieurs morts et blessés dans la nuit de dimanche à lundi. Pour aggraver la répression, le gouvernement envoie 3 bataillons de parachutistes et trois compagnies de CRS. Nombreuses arrestations de patriotes algériens. »

 

L’Humanité, 2 novembre 1954

 

Le lendemain, le titre est plus mordant, moins informatif :

 

« Halte à la répression en Algérie ! Vaste opération de “ratissage“ dans le massif de l’Aurès. Arrestations massives dans tout le pays. »

 

L’Humanité, 3 novembre 1954

 

Mais il faut dépasser la simple protestation. Il faut se munir d’instruments de compréhension. La première réaction officielle émanant du PCF date du 5 novembre. Ce soir-là, lors d’un meeting[71], Jacques Duclos prononce trois fois le mot d’indépendance, Raymond Guyot une fois :

 

« Il n’est nullement question, pour nos gouvernants, de demander l’avis des populations de l’Afrique du Nord, dont ils méconnaissent cyniquement les aspirations nationales et la volonté d’indépendance. Les colonialistes semblent croire à l’éternité de leur domination, mais il faut bien voir qu’un vent de liberté et d’indépendance souffle de plus en plus fort dans les pays soumis à la domination des colonialistes, comme en ont témoigné et en témoignent notamment les événements de Tunisie, du Maroc et ceux d’Algérie. La seule politique juste et raisonnable consisterait à reconnaître aux peuples coloniaux le droit à l’indépendance et à conclure avec eux des traités culturels et économiques. »

 

Jacques Duclos, Discours, 5 novembre 1954[72]

 

Quelques jours plus tard, c’est Marie Perrot (nom de plume de l’ancienne députée communiste Marie Lambert[73]) qui écrit :

 

« C’est en vérité tout le peuple algérien qui, comme ceux de Tunisie et du Maroc, est décidé à recouvrer son indépendance. »

 

Marie Perrot, L’Humanité-Dimanche, 14 novembre 1954[74]

 

Mais il s’agit là de banderilles, d’affirmations qui ne seront pas confirmées par une prise de position officielle. Ce mot, indépendance, disparaît ensuite, un temps, du vocabulaire du PCF. Prudence devant la crainte des saisies, voire de l’interdiction du PCF ? Ballon d’essai sans lendemain, par frilosité politique ? Autocritique, après avoir avancé une thèse jugée aventuriste ? Ou bien, perception vague du choc entre deux concepts contradictoires, cette Nation en formation, alors toujours fortement prégnante dans les rangs communistes, et cette indépendance de l’Algérie ? Ou tout cela à la fois ?

 

Dans la déclaration du 8 novembre, signée Le Parti communiste français[75], ce qui en accentue le caractère solennel, le mot a disparu, remplacé par la formule plus vague d’« aspirations nationales » :

 

« Le Parti communiste français souligne que les événements qui se déroulent actuellement en Algérie résultent essentiellement du refus opposé par les gouvernants français aux revendications nationales de l’immense majorité des Algériens, ce refus s’ajoutant à une misère généralisée et croissante, conséquence directe du régime colonial qui sévit dans ce pays.

 

En prétendant nier l’existence en Algérie de problèmes politiques de caractère national, en s’obstinant à camoufler le régime colonial sous le vocable de “trois départements français“, le gouvernement tourne le dos à la réalité algérienne et notamment à la volonté de tout un peuple de vivre libre et de gérer démocratiquement ses propres affaires. »

 

La déclaration dénonce ensuite « les mesures de violences prises pour tenter de briser le mouvement national algérien ». Dans le paragraphe suivant figure une formule de défiance à l’égard de la forme prise par l’insurrection : se réclamant de Lénine, le PCF dénonce « le recours à des actes individuels », pratique peut-être même fomentée par « les pires colonialistes ». Formule catastrophique, habillage de gauche de la vieille théorie des meneurs / manipulateurs, formule qui sera ensuite amèrement et continûment reprochée au PCF[76]. La résolution conclut par une exigence de l’arrêt de la répression et à une demande de discussions « avec les représentants qualifiés de l’ensemble de l’opinion publique algérienne : délégués de tous les partis et mouvements nationaux, délégués des organisations démocratiques, professionnelles et culturelles, personnalités ». On aura remarqué l’absence de toute référence au FLN, dont le nom même, il est vrai, n’était alors connu que depuis une semaine. La gêne manifeste face à cette situation nouvelle, sans interlocuteurs connus, s’est traduite par le silence. Il faudra attendre presque une année pleine pour qu’apparaisse, ne serait-ce qu’une référence au sigle :

 

« Dans la dernière période, une nouvelle tendance s’intitulant Front national de libération a vu le jour »,

 

Georges Thévenin, Cahiers du communisme, juillet 1955[77]

 

Exit, donc, à ce moment, l’indépendance. Durant la première année de la guerre, les (rares) articles de la presse ou discours communistes qui évoquent la question de la nation en formation reproduisent le schéma thorézien traditionnel de 1939 : les communistes français n’ont donc pas intégré dans leur réflexion que novembre 1954 avait été un saut qualitatif pour le mouvement national algérien : la nation algérienne était née sous leurs yeux alors qu’ils décrivaient encore un accouchement à venir…

 

Par contre, la dénonciation de la répression est sans équivoque. À la lecture de L’Humanité des semaines qui suivent, on s’aperçoit que le quotidien communiste a imprimé d’autres mots d’une grande importance : guerre, répression, torture… Diverses formes de la violence coloniale sont signalées : les arrestations (qualifiées de « nombreuses »[78] et massives ») ; les perquisitions[79], les rafles, la « torture »[80], première apparition du mot lors de cette guerre, les « ratissages »[81], les bombardements par « l’artillerie colonialiste »[82], par  l’aviation[83]. L’usage du napalm est évoqué le 9 novembre (l’information est accompagnée d’un démenti du gouvernement général). Le 17 novembre, Marie Perrot va jusqu’à évoquer un « Oradour algérien ». En bref, sur la terre d’Algérie, « on martyrise, on tue des hommes »[84], on « sème la terreur »[85]… C’est bel et bien une « guerre », qui commence[86]. Ce mot est repris devant les députés par le porte-parole du groupe communiste :

 

« La vérité, c’est que le gouvernement a déclenché en Algérie de véritables opérations de guerre dans le but de frapper de terreur la population. »

 

Robert Ballanger, Assemblée nationale, 12 novembre 1954

 

Mais ce n’est pas un peuple algérien, victime résignée, qui est décrit. La notion de résistance apparaît dès ce moment. Les opposants à la politique coloniale sont en fait des « patriotes » : le mot figure dès le premier article, le 2 novembre, et ne disparaîtra plus. Ces hommes bénéficient en fait de l’« ardente sympathie populaire » (10 novembre). Car « l’immense partie de la population » (13 novembre) aspire à « la liberté » (13 novembre, 25 décembre), voire, on a déjà cité cette formule, à la « patrie (…) indépendante » (Marie Perrot, 17 novembre). Ces maquis sont certes faibles mais, fait nouveau, ils ne sont pas immédiatement écrasés : « Deux compagnies de parachutistes accrochées » (11 novembre) ; « Les Algériens n’ont pu être délogés du djebel Ichmoul » (12 novembre) ; « La population refuse de se rendre » (26 novembre).

 

L’Algérie n’est cependant pas une priorité pour les communistes français. L’Humanité, les deux premières années, consacre bien plus de place à la dénonciation du réarmement allemand, à l’exaltation des réalisations soviétiques, aux négociations franco-marocaines alors en cours, aux mouvement sociaux en France, qu’au conflit algérien. De même, l’activité militante du PCF n’est nullement axée sur l’Algérie.

 

Mais la bourrasque de novembre 1954 ne pouvait pas ne pas ébranler les schémas préexistants.

 

De la Nation en formation au droit à l’indépendance

 

Il faudra attendre une année pour que le mot indépendance réapparaisse, deux années pour qu’il s’impose.

 

Dès les jours qui avaient suivi l’insurrection, des membres du PC Algérien avaient été mis en possession de premières informations sur la nature du FLN. En mai 1955 se rencontrèrent pour la première fois depuis novembre 1954 des dirigeants du PCA, Bachir Hadj Ali et Sadek Hadjerès, et du FLN, Abane Ramdane. Ce même mois, le Comité central du PCA se réunit et entendit un rapport de Ahmed Akkache[87], qui se livra à une autocritique en règle :

 

« Les masses populaires en général ne sentent pas que le Parti est suffisamment national. Le PCA apparaît comme un  Parti de militants dévoués, un Parti qui œuvre utilement, qui aide au combat pour la liberté, pour lequel on éprouve de la sympathie, mais qui n’est pas de la famille, de la “maison“. »

 

Ahmed Akkache, Intervention, 8 mai 1955[88]

 

L’orateur invitait ses camarades à rapidement rattraper ce retard. Il est plus que probable que cette analyse fut transmise aux communistes de métropole. En interne dans les cercles dirigeants d’abord, et probablement donc sous l’influence de leurs camarades algériens, l’idée que la Nation en formation était devenue obsolète a commencé à poindre. En juillet 1955, un secrétaire du PCA intitule un article de L’Humanité : [89]  

 

« Une solution véritable suppose la reconnaissance du caractère national du problème algérien. »

 

Larbi Bouhali, L’Humanité, 28 juillet 1955

 

Si les mots ont un sens, cette formule signifie que le processus est achevé – et donc nécessairement plus en formation.

 

Puis, le 11 octobre, à l’Assemblée nationale, Jacques Duclos interpelle le gouvernement sur l’interdiction du PCA. Le mot indépendance (ré)apparaît, au détour de phrases :

 

« Chaque pas en avant fait en Tunisie et au Maroc dans la voie de l’indépendance nationale aura d’inévitables répercussions en Algérie, et le fait de vouloir empêcher l’expression des aspirations du peuple algérien équivaut à une ambition bien au-dessus des forces du gouvernement (…). Nous, communistes, proclamons le droit des peuples coloniaux à l’indépendance. »

 

Puis, dans la conclusion de son discours – évidemment interrompu par des cris indignés –, l’orateur franchit encore un pas :

 

« La reconnaissance du droit à l’indépendance du peuple algérien est la condition première d’une politique d’association au sein d’une véritable Union française. »

 

Jacques Duclos, Assemblée nationale, 11 octobre 1955

 

Ultime formule pourtant ambiguë : comment concilier indépendance du peuple algérien et appartenance à l’Union française ? Ambiguïté qui durera encore une année pleine.

 

Le lendemain, L’Humanité, citant Duclos, emploie à son tour le mot, en titre, en première page. Le PCF publie sur sa lancée ce texte en brochure[90].

 

Fin 1955-début 1956, l’argumentaire est en place.  

 

Mais, dans la pratique communiste, rigoureuse, de cette époque, il fallait que Maurice Thorez lui-même consacrât le changement d’option. Il le fait lors d’une session du comité central :

 

« Il y a une vingtaine d’années, nous avons attiré l’attention sur la formation en cours de la nation algérienne. Aujourd’hui, la reconnaissance du fait national algérien peut seule conduire à une solution du conflit conforme à l’intérêt de l’immense majorité des Algériens de toute origine et à celui de la France. Nous devons répéter qu’il n’est pas d’autre moyen pour ramener la paix et pour permettre à l’Algérie de décider librement de son sort. ».

 

Maurice Thorez, Déclaration, 9 mai 1956[91]

 

La « nation en formation » était enterrée par son propre concepteur… sans pour cela porter un regard autocritique sur la position passée. Pratique répandue dans la tradition communiste. Pour souligner encore l’importance du pas franchi, le rapporteur, François Billoux, ajoute que la complexité de la situation en Algérie – dont la présence d’une minorité européenne – « ne peut, en aucune façon, mettre en cause le bien-fondé de l’indépendance de l’Algérie ». Il insiste ensuite sur la « nécessité absolue d’accorder l’indépendance nationale à l’Algérie »[92]. Deux mois encore, et les communistes renonceront à la référence, devenue totalement anachronique, à l’Union française[93].

 

En juillet paraît, sous la plume d’un intellectuel communiste de grand prestige, le géographe Jean Dresch, une étude plus systématique :

 

« Il faut se rendre à l’évidence : la nécessité, l’obligation matérielle et morale de cesser le feu et de négocier en reconnaissant seulement, au préalable, le fait national algérien, le droit dès Algériens à l’indépendance. »

 

Jean, Dresch, La Pensée, juillet-août 1956[94]

 

Ainsi, contrairement à ce qu’affirment la majorité des études historiques consacrées à ce problème – qui avancent les dates de 1957, 1959, voire jamais – c’est en octobre 1955 que la direction du PCF a opéré un virage vers la reconnaissance du fait national algérien, c’est en mai 1956 qu’elle s’est engagée, cette fois-ci de façon irréversible, sur la thématique de l’indépendance.

 

Reste une question : si ce thème s’impose à partir de 1956 dans le discours communiste à destination des cadres et des militants les plus politisés, il n’est pas systématiquement mis en avant dans la propagande au quotidien, dans les réunions grand public, sur les banderoles, les affiches… Là, c’est massivement Paix en Algérie qui s’impose. Une première explication, souvent avancée, est la crainte de la censure, voire pire. Cela a dû compter. J’en vois une autre. Le raisonnement d’alors est simple, simpliste même : le PCF part de la constatation que les Français, dans leur masse, se soucient encore bien peu du sort d’un peuple qui est en train d’échapper à la sphère de l’Empire ; plus grave, ils ont tendance à considérer que les Algériens, qui mènent le combat chez eux et menacent donc à tout moment la vie d’un fils, d’un frère, d’un mari, sont responsables de la situation. Il faut un mot d’ordre unificateur, susceptible de convaincre la masse des Français que cette guerre est néfaste, qu’elle doit s’achever. D’où Paix en Algérie. Un parti qui influence une grande masse de Français, qui tient comme à la prunelle de ses yeux à cette influence car elle lui permet de peser (ou d’espérer peser ?) sur les orientations du pays, ne peut avoir le même discours que des militants éparpillés, minoritaires, ou que des intellectuels engagés, n’ayant ni cette ambition, ni cette possibilité. La seule comparaison des textes n’est ici d’aucun secours.

 

Certes. Mais, ce faisant, le PCF, s’il a collé à l’opinion moyenne, s’est coupé de la frange la plus active, la plus internationaliste de la population, frange qu’il s’était attachée lors de la guerre d’Indochine, et qu’il a perdue progressivement de 1954 à 1962. N’a-t-il pas là touché les limites de la conception léniniste du Parti, à la vocation – à la prétention – tout à la fois d’avant-garde et de masse ? Ce tiraillement, pour ne pas dire cet écartèlement, était-il évitable ?

 

L’année terrible : 1956[95]

 

L’un des paradoxes de l’attitude communiste à propos de l’Algérie est que les avancées significatives qui viennent d’être exposées ont voisiné, en 1956, avec une stratégie, la poursuite à tout prix de l’unité avec les socialistes, au prix d’un vote en faveur des pouvoirs spéciaux, qui a de fait favorisé la poursuite de la guerre.

 

Une nouvelle étape s’était ouverte avec la victoire, en janvier 1956, du Front républicain. Celui-ci, mené par Guy Mollet pour le Parti socialiste et Pierre Mendès France pour le Parti radical, avait obtenu 27,4 % des suffrages exprimés, le PCF recueillant 25, 6 %. Or, Mollet avait mis en avant, lors de la campagne électorale, la dénonciation d’une « guerre imbécile et sans issue »[96]. Les communistes virent dans cette victoire de la gauche une possibilité de se réinstaller dans la vie politique française, voire même, vingtième anniversaire oblige, un nouveau Front populaire[97] et donc, une possible sortie de la guerre d’Algérie. On voit bien la terrible ambiguïté de ce donc.

 

Fidèle à une analyse ancienne, le PCF juge que le courant réformiste est plus enjeu que force agissante : c’est la notion de pression des masses qui doit contrecarrer la pression de la réaction, particulièrement vive avec l’entrée en force des poujadistes à l’Assemblée.

 

Le gouvernement Guy Mollet est investi le 31 janvier.

 

On a dès lors l’impression que le PCF, soucieux de sortir du ghetto politique dans lequel il était enfermé depuis 1947, était prêt à tout oublier des errances passées, en matière coloniale, de la SFIO. Pourtant, les premiers pas du gouvernement Mollet n’auraient pas dû inciter à la confiance (capitulation honteuse face aux ultras le 6 février à Alger). Le plus étonnant – quand on connaît l’issue du 12 mars – est que L’Humanité ne ménage pas ses reproches à Mollet durant tout le mois de février et début mars. On peut même dire qu’il y a une perception claire des plans d’extension de la guerre.

 

Toutes les conditions étaient donc réunies pour que le groupe communiste s’abstînt, en assortissant ce vote d’explications, alternativement positives et négatives.

 

Or, c’est le contraire qui se produit : un vote positif[98]. Quelle logique a présidé à ce choix ?

 

Il faut faire ici appel à la thématique de la partie et du tout. Le 16 mars 1956, Thorez, devant le Comité central, justifia le vote en utilisant ces  termes : « Le Parti communiste n’a pas voulu sacrifier le tout à la partie ». Qu’est-ce que « la partie » ? C’est la guerre d’Algérie, qualifiée d’« affaire très importante, mais pourtant délimitée à la préoccupation essentielle ». Qu’est-ce donc que ce « tout », quelle est la « préoccupation essentielle » ? Dans la vie politique métropolitaine, c’est la lutte déjà évoquée pour un nouveau Front populaire, ce sont les conquêtes sociales (acquises ou possibles, dont la 3 ème semaine de congés payés) ; dans la vie internationale, c’est le dégel, présent en mars, mais qui prendra une dimension spectaculaire tout au long du premier semestre (visites de Khrouchtchev et de Boulganine à Londres, de Tito à Paris, invitation de Mollet et Pineau à Moscou…) ; dans l’outre-mer, ce sont les accords qui reconnaissent les jeunes indépendances de la Tunisie et du Maroc.

 

Sur la question algérienne, donc, les communistes font appel à la « pression populaire ». La lecture de la presse communiste ne permet pourtant de constater que l’existence de  quelques délégations mixtes de communistes et socialistes, de syndiqués CGT et FO, de quelques motions de conseils municipaux… Exemples montés en épingle, mais sur lesquels les dirigeants ne pouvaient nourrir sérieusement d’illusions.

 

Par contre, les décisions gouvernementales, à partir du moment où Mollet reçut le feu vert, se révélèrent catastrophiques : doublement en un semestre du nombre de soldats sur le terrain, reprises des exécutions capitales, arrestation des chefs du FLN au plus grand mépris des lois internationales, expédition de Suez, enfin terrible – et mal nommée – bataille d’Alger[99].

 

Or, le PCF est lent à réagir, du moins dans le domaine parlementaire. Le 5 juin, lors d’un nouveau vote de confiance, Waldeck Rochet fait part de la décision du groupe communiste de s’abstenir. Le 6 L’Humanité privilégie pourtant la connotation négative de ce vote : « Le Parti communiste a refusé la confiance au gouvernement Guy Mollet pour la politique de guerre menée en Algérie ». Ce n’est pourtant que fin octobre que, finalement, le groupe communiste se résoudra à voter contre la totalité de la politique du gouvernement Mollet[100].

 

L’épisode du vote des pouvoirs spéciaux reste l’un de ceux qui est le plus souvent reproché au PCF.

 

Cette attitude a d’abord provoqué un premier ébranlement dans l’édifice du Parti, qui paraissait auparavant sans failles. Même si ce n’est pas apparu publiquement, il y eut malaise au cœur même de l’appareil, le Comité central et le groupe parlementaire[101]. Mais ce fut également le moment que choisirent d’autres communistes pour exprimer, eux publiquement, des désaccords, certains pour quitter le Parti[102] : on pense à Aimé Césaire, dont la Lettre à Maurice Thorez[103] attaque frontalement la thématique du tout et de la partie, à Madeleine Rebérioux, Roger Vailland, Annie Kriegel, Claude Roy, Jean Baby[104]

 

Le cas le plus emblématique fut celui de la cellule dite Sorbonne-Lettres, qui comprenait des adhérents de renom : Victor Leduc, Jean-Pierre Vernant, François Chatelet, Jean Chesneaux, Jean Dresch, André Prenant, auteurs d’une Lettre collective au Comité central :

 

« L’erreur du Parti dans la question coloniale est d’avoir continué à penser, après la Seconde guerre mondiale, que c’était la classe ouvrière française, guidée par le Parti, qui devait, au terme de la lutte pour le socialisme, apporter aux peuples coloniaux le présent de l’indépendance. Tout au contraire, cette indépendance a été et sera conquise contre la bourgeoisie française au pouvoir par les peuples coloniaux en lutte, qui apportent ainsi une aide fondamentale au combat de la classe ouvrière de la métropole. »

 

Cellule Sorbonne-Lettres, Lettre à la direction du PCF, 10 octobre 1958[105]

 

Elle sera dissoute peu après.

 

Mais on aurait tort de ne percevoir la contestation que chez les intellectuels, ces éternels insatisfaits… En lisant L’Humanité à la loupe, on peut trouver des traces d’un malaise plus profond au sein du Parti. Le 31 mars, dans L’Humanité, le Secrétariat répond à « une cellule » (il n’est pas précisé laquelle) de la Fédération de Paris qui « a demandé quelques explications complémentaires », démarche peu habituelle alors. Le 9 mai, nouvelle session du Comité central, nouvelle intervention de Thorez, non rendue publique : il évoque « une question qui a été discutée et controversée dans le Parti » et poursuit : « Naturellement, il y a eu de l’émotion dans le Parti » mais y répond par la réaffirmation de la ligne[106]. Pourtant, dans la bouche du premier dirigeant communiste, ces formules sont fortes, car rares. Cependant, ce malaise persista, puisqu’on trouve, un an plus tard, le 10 avril 1957, sous la plume de Léon Feix, le responsable de la section outre-mer, un article de L’Humanité significativement titré « Réponse à quelques critiques sur l’action du Parti contre la guerre d’Algérie ».

 

Ce vote eut également une influence négative sur la protestation des plus concernés parmi les Français, les rappelés. Comment les militants communistes pouvaient-ils justifier la poursuite des manifestations, comment les soldats communistes pouvaient-ils faire du travail d’agit’-prop’, quand leurs dirigeants venaient de voter, puis de justifier la confiance au gouvernement ? Malgré les circonvolutions du discours, ils savaient bien, eux, ce que cela signifiait dans l’immédiat : le départ pour l’Algérie. Divers témoignages d’appelés attestent de leur désarroi, alors, de leur amertume, ensuite, devant cette situation. On sait que les plus récalcitrants, étiquetés meneurs, furent envoyés en bataillons disciplinaires – c’est le thème du film d’ Yves Boisset, RAS, en 1973 – ce qui accentua encore leur sentiment d’avoir été lâchés.

 

Enfin – et sans doute surtout – ce vote coupa plus encore les communistes du nationalisme algérien. Courant mars ou début avril, la Fédération de France du FLN sortit un tract bilingue dénonçant la « mystification » des communistes[107]. On sait par divers témoignages que des Algériens, nombreux, démissionnèrent alors du PCF et de la CGT. Évidemment, l’aile anticommuniste du FLN, qui n’avait pas attendu cet épisode pour être virulente, fut confortée, d’autres militants, qui avaient jusque là espéré en un rapprochement, furent déroutés[108]. Plus aucune publication nationaliste algérienne, désormais, qui ne rappelle, souvent avec hargne, ce vote. Cette plaie ne fut jamais totalement cicatrisée durant la guerre. Elle ne l’est toujours pas[109].

 

L’action

 

Après ces remarques, il faut étudier ce que fut la lutte au quotidien. On peut dire que la protestation, les actions n’ont jamais cessé, mais qu’elles n’ont atteint une dimension de masse qu’au cours de la dernière année.

 

Les formes privilégiées ont été des signatures de pétitions, des journées nationales d’action (novembre 1956, avril 1957, octobre 1957, décembre 1961…), des débrayages (mais jamais de journées entières, sauf en avril 1961 contre le putsch ou février 1962 après Charonne), etc. On peut, selon sa conception de l’action politique, considérer ces formes de lutte comme peu dignes d’intérêt, mineures, voire minimales, ou au contraire apprécier ce travail de fourmis comme l’indispensable base qui a permis une prise de conscience, au delà des cercles anticolonialistes déjà acquis.

 

Il faut également évoquer les manifestations[110].

 

Danielle Tartakowsky, dans une thèse qui a marqué[111], a recensé 967 manifestations de rues d’opposition à la guerre (étant entendu qu’elles ne furent pas toutes d’initiative communiste), dont 26 au cours de la première année pleine 1955, 114 en 1956, avant de connaître un creux durable, pour repartir seulement en 1960, 85 % d’entre elles se situant entre début 1960 et le printemps 1962.

 

La première date du 24 septembre 1955[112] : quelques centaines de jeunes, à l’appel de l’UJRF[113], ce jour-là, descendent la rue de Belleville, dans le XX è arrondissement de Paris, et distribuent un millier de tracts, puis se dispersent avant l’arrivée de la police. La presse communiste la cite, publie des photos, mais la foule, c’est le moins que l’on puisse dire, n’est pas au rendez-vous. Au cours de cette première période, si l’on sait lire entre les lignes des comptes-rendus de la presse, si l’on observe par exemple les photos des correspondants de L’Humanité, on constate que ces manifestations ne furent jamais de masse, lorsque l’enjeu n’était que la question algérienne. Les seuls grands rassemblements n’ont pas été réunis au nom de l’internationalisme, mais sur des thématiques républicaines : manifestations du printemps 1958 à la République contre les factieux et l’avènement de De Gaulle, de l’automne-hiver 1961 contre l’OAS, de Charonne le 8 février 1962, puis évidemment, la plus massive, pour les obsèques des victimes de la répression, le 13. Elles appartenaient plus au registre de la protestation classique qu’à celui de l’internationalisme. C’est une constatation.

 

Les communises ne voulurent-ils pas, ne surent-ils pas ou ne purent-ils pas mobiliser les larges masses contre la guerre d’Algérie ? Toute analyse historique sur le phénomène doit partir du choix entre ces trois verbes.

 

La base de départ de toute analyse doit être l’état de l’opinion. De Gaulle, qui avait le génie des formules, qualifia un jour la guerre d’Algérie de « boîte à chagrin »[114]. Les Français en avaient certes assez de ce conflit. Mais, dans leur passe, ils n’en rendaient pas responsable le colonialisme. Le climat raciste anti-Algérien, qui préexistait largement à novembre 1954, connut alors un pic. D’autant qu’à la guerre sur place, en Algérie, s’étaient ajoutés des effets directs en métropole : luttes sanglantes entre FLN et MNA (4.000 morts durant cette période), accrochages violents et quotidiens avec la police. La guerre d’Algérie s’invitait dramatiquement dans chaque famille, et les Français moyens étaient loin, très loin, d’en rendre responsable le régime. Toute protestation de masse était difficilement imaginable et pratiquement inorganisable. L’appareil n’a pas souhaité prendre de front cette opinion. On peut appeler cela, au choix, terrible réalisme ou manque de courage politique.

 

Celle-ci n’enlève rien à la critique nécessaire de l’échec du PCF – et, par delà ce parti, de toute la sensibilité anticolonialiste et antiraciste, de toute la gauche radicale – dans son combat contre les idées dominantes qui furent, durant un siècle, celles du Parti colonial. La greffe internationaliste a pris à certaines époques (encore faudrait-il analyser de près sur quelles couches précisément de la population) ; durant la guerre d’Algérie, elle a connu un phénomène – en tout cas partiel – de rejet, à l’exception d’une minorité militante et cultivée : qui peut le nier ?

 

Un bilan ?

 

Que cet échec, pourtant, n’amène pas une extrême sévérité à l’encontre des limites de l’anticolonialisme du PCF. Car, même avec les hésitations décrites, même avec les faux pas soulignés, qui pourrait nier qu’il fut, comme parti, bien seul à protester, à appeler une guerre une guerre ? La famille socialiste ? Hors le PSU, fondé tardivement (avril 1960), elle a sombré dans la justification et même la direction de la guerre. La famille mendéso-mitterandienne ? Elle a plongé, avec empressement, l’Algérie et la France dans ce drame, puis a tranquillement assumé la responsabilité d’une répression féroce. La famille gaulliste ? Arrivée au pouvoir par le chantage et la menace de putsch, elle a poursuivi cette guerre, avec des méthodes modernisées, plus longtemps que sous la IVème République, bilan sauvé in extremis par le réalisme du Général.

 

Mais la comparaison avec ce que firent les autres forces politiques ne saurait suffire. C’est par rapport aux enjeux du moment, aux questions posées par l’histoire concrète, qu’il faut produire une analyse. Et c’est également, pour ce Parti qui se voulait pas comme les autres, par rapport à des principes, ceux qui avaient présidé à sa naissance, ceux qui faisaient sa raison d’être, et parmi ceux-ci le principal, l’internationalisme. Et l’analyse, ici, est plus nuancée. « Nous avons été bons par rapport aux autres, il nous reste à être bons par rapport à nous », a écrit un jour Aragon.

 

Ce qui a entravé continûment d’analyse, ce qui a empêché de comprendre totalement le processus de décolonisation, reste à mes yeux une certaine sous-estimation de la place des mouvements de libération nationale dans le processus révolutionnaire mondial. Les peuples colonisés étaient devenus les acteurs principaux de ce processus. Ho Chi Minh et ses camarades, déjà, tout en remerciant le peuple français de son aide, ne l’avaient pas attendu pour obtenir l’indépendance du Viêt Nam. Le peuple algérien fit de même.

 

 

 

[1] Lettre à Maurice Thorez, Paris, Éd. Présence africaine, 1956

[2] Toutes les citations in XVIII è Congrès du Parti socialiste SFIO, Tours, 26 décembre 1920, Compte-rendu sténographique, Paris, 1921 ; texte repris in extenso in Jean Charles & al., Le congrès de Tours. Édition critique, Paris, Éd. Sociales, 1980

[3] Les quatre premiers congrès, op. cit.

[4] Jean Fréville, La nuit finit à Tours, Paris, Éd. Sociales, 1950

[5] Plus tard Charles-André Julien, devenu le grand historien de l’Algérie coloniale

[6] On en trouvera la substance dans l’article du même auteur publié dans L’Humanité dès le 7 janvier 1921

[7] Né en 1890, Nguyen Tat Thanh quitte le Viêt Nam en 1911, s’installe durablement en France entre 1918 (ou 1919) et 1923, y adopte alors le pseudonyme de Nguyen Ai Quoc (Nguyen le patriote). L’autre pseudonyme sous lequel il deviendra célèbre, Ho Chi Minh, ne sera adopté qu’en 1942

[8] Le compte-rendu signale : « Applaudissements et rires »

[9] Compte-rendu sténographique, op. cit.

[10] Rapport sur le Tonkin, l’Annam et la Cochinchine, Document dactylographié, non signé, attribué à Nguyen Ai Quoc / Ho Chi Minh par Alain Ruscio, Ho Chi Minh. Textes, 1914-1969, Paris, l’Harmattan, 1990

[11] « Les revendications des musulmans d’Algérie »

[12] « La 3 è Internationale au secours des peuples opprimés. L’impérialisme colonial »

[13] Voir cette entrée

[14] « René Gallissot, « Le PCF et la guerre du Rif », in Abd el Krim et la République du Rif, Actes du Colloque international, janvier 1973, Paris, Ed. François Maspero, 1976 ; David Drake, « The PCF, the Surrealists, “Clarté“ and the Rif War », French Cultural Studies, Vol. 17, n° 2, june 2006

[15] Nom usuel de Mohamed ben Abdelkrim El Khattabi

[16] L’Humanité, 11 septembre

[17] L’Humanité, 11 octobre

[18] René Gallissot, art. cité

[19] Georges Oved, La gauche française et le nationalisme marocain, 1905-1955, 2 vol., Paris, L’Harmattan, 1984

[20] Jacques Fauvet, Histoire du PCF, 1920-1976, Paris, Grasset, Coll. Les grandes études contemporaines, 1977

[21] V è Congrès national du Parti communiste français, tenu à Lille du 20 au 26 juin 1926, Compte-rendu sténographique, Paris, Bureau d’Édition, de diffusion & de publicité, 1927

[22] « La lutte pour l’indépendance en Algérie », 6 mars 1927

[23] Cité par Thierry Levasseur, La Ligue française contre l’Impérialisme et l’oppression coloniale (1927-1936), Mémoire de Maîtrise d’Histoire contemporaine, Université Paris IV, Sorbonne, juin 1989

[24] Voir cette entrée

[25] Voir cette entrée

[26] Voir cette entrée

[27] La plupart des études attribuent cette paternité aux surréalistes. En réalité, si Breton et ses amis furent associés à la contre-Exposition, ce furent bien les communistes qui pour l’essentiel en prirent l’initiative et qui la menèrent à bien. Voir Alain Ruscio, « Contre l’Exposition coloniale de 1931 (Paris-Vincennes) : des voix fermes, mais bien isolées. Aperçu », Revue Aden, Groupe interdisciplinaire d’Etudes Nizaniennes, n° spécial, « Anticolonialistes des années 30 et leurs héritages », n° 8, octobre 2009

[28] Colette Chambelland, « Robert Louzon », Site Internet La Révolution prolétarienne

[29] Il quittera le PCF fin 1924 et restera sa vie entière un combattant de l’anticolonialisme.

[30] Francis Arzalier, « Un itinéraire internationaliste : François Vittori », in Colloque AFASPA, octobre 1997, Madagascar 1947. La tragédie oubliée, Paris, Ed. Le Temps des cerises, 1999

[31] Pierre Boiteau, Contribution à l’histoire de la nation malgache, Paris, Ed. Sociales, 1958 ; Bruno Fuligni, La France Rouge, 1871-1989. Un siècle d’histoire dans les archives du PCF, Paris, Éd. Les Arènes, 2012

[32] « M. Dussac, directeur du journal “L’Opinion“ et adversaire très modéré de la colonisation » (d’après L’Humanité, article cité)

[33] Nom du Gouverneur général

[34] « À Madagascar. La meute des colonisateurs déchaînée contre le communisme »

[35] Ils seront tous les deux plus tard héros de la Résistance, Planque mourant à Dachau, Vittori étant un des libérateurs de la Corse…

[36] Abdellah Righi, Hadj Ali Abdelkader, pionnier du mouvement révolutionnaire algérien, Alger, Casbah Éd., 2006

[37] Voir cette entrée

[38] Clotaire Delourme, Chambre des députés, 7 juillet 1927

[39] Benjamin Stora, Messali Hadj, 1898-1974, Paris, Éd. Le Sycomore, 1982

[40] Voir cette entrée

[41] Mustapha Kraiem, Pouvoir colonial et Mouvement national. La Tunisie des années Trente, Tunis, Éd. Alif, Coll. Savoir, 1990

[42] L’Humanité, 8 octobre

[43] Congrès de la Ligue contre l’oppression coloniale, Bruxelles, 10-14 février, cité par Thierry Levasseur, op. cit.

[44] « Le congrès des ouvriers nord-africains », L’Humanité, 8 décembre

[45] Charles-Robert Ageron, Histoire de l’Algérie contemporaine, Vol. II, 1871-1954, Paris, PUF, 1979

[46] Formule très controversée, même si l’esprit n’en est pas impossible : Lénine l’aurait prononcée lors de la fondation de l’URSS, en 1922. Mais les références précises à cette citation manquent régulièrement.

[47] Arles, 25-29 décembre 1937 ; in brochure La France du Front populaire et les peuples coloniaux, Paris, Éd. du Comité populaire de propagande, s.d. (1938)

[48] Voir cette entrée

[49] Cahiers du Bolchévisme, 1 er trimestre 1941

[50] L’Humanité, 15 novembre 1943. Formules rigoureusement identiques reprises par tous les dirigeants qui s’expriment dans les mois qui suivent. Voir en particulier Maurice Thorez, Cahiers du Communisme, 1 er trimestre 1944.

[51] Times, Londres, 18 novembre 1946

[52] Abandonnée seulement en 1956, lors du XIV ème congrès du PCF

[53] Alain Ruscio, « Les communistes et les massacres du Constantinois (mai-juin 1945) », Vingtième Siècle, Revue d’Histoire, Presses de Sciences Po, n° 94, avril-juin 2007

[54] « La question coloniale »

[55] Le Parti socialiste SFIO a des ministres – et non des moindres – au gouvernement jusqu’en 1951, ses députés votent en faveur des crédits de l’Union française durant toute la période.

[56] Alain Ruscio, Les communistes français et la guerre d’Indochine, Paris, L’Harmattan, 1985

[57] Cahiers du Communisme, avril

[58] Auteur, à son retour, d’un livre-témoignage, Je reviens du Vietnam libre, Paris, Éd. de la Jeunesse, 1951

[59] André est décédé plus que centenaire, refusant jusqu’à la fin de laisser révéler son identité.

[60] Contrairement à une légende bien établie, cette expression n’est pas de paternité communiste. Elle fut employée pour la première fois par Hubert Beuve-Méry, qui signait Sirius, dans l’hebdomadaire Une Semaine dans le Monde, (17 janvier 1948), puis immédiatement reprise, dans un sens plus polémique et militant, par Marcel Cachin (L’Humanité, 21 janvier).

[61] Voir l’entrée Affaire Raymonde Dien

[62] Voir l’entrée Affaire Henri Martin

[63] C’est l’époque de l’apogée du rapprochement de Sartre avec le PCF. Voir « Les communistes et la paix », Les Temps Modernes, n° 81 (juillet 1952) et 84-85 (octobre-novembre 1952).

[64] Paris, Gallimard, NRF, 1953

[65] « Le calme règne au Maroc »

[66] Voir cette entrée

[67] Voir cette entrée

[68] Aimé Césaire, Lettre à Maurice Thorez, Paris, Éd. Présence africaine, 1956 (voir cette entrée)

[69] Ma vie s’appelle Liberté, Paris, Grasset, 1977

[70] L’Humanité, 8 juin 2001

[71] Comme tous les ans à l’époque, les communistes et leurs amis se réunissent pour fêter l’anniversaire de la Révolution d’octobre. En 1954, c’est au Vel’ d’Hiv’. Jacques Duclos y salue longuement les succès de la grande Union soviétique, puis aborde l’actualité nord-africaine (c’était l’expression de l’époque).

[72] L’Humanité, 6 novembre

[73] Merci au Pr Jean-Yves Mollier de m’avoir signalé ce fait

[74] « Combats en Kabylie »

[75] L’Humanité, 9 novembre

[76] Même si trop d’études sur la question ne citent que ce membre de phrase.

[77] Cite par Jacques Jurquet, op. cit., Vol. III

[78] 2 novembre

[79] 8 et 12 novembre

[80] Marie Perrot, 8 novembre

[81] 3, 7 et 27 novembre

[82] 27 novembre

[83] 5, 9, 23 et 30 novembre

[84] 17 novembre

[85] 31 décembre

[86] 7, 8 et 10 novembre, 11 décembre

[87] Le document n’est pas signé, mais il est porté à la main le nom d’Akkache sur le sous-dossier

[88] 8 mai 1955, AD 93, Fonds André Moine, Cote 332 J-1, Dossier Comité central du PCA, sous-dossier 1955, CC du 8 mai

[89] Aucun article de fond, a fortiori lorsqu’il traitait d’un sujet brûlant, ne pouvait paraître alors sans l’imprimatur de la direction, représentée au journal par Étienne Fajon. Cette parution, signée par un communiste algérien, a donc une signification profonde.

[90] In Maurice Thorez, Jacques Duclos et François Billoux, La France et l’Afrique du Nord, Brochure, Ed. France Nouvelle, s.d. (1955)

[91] Cité par Alain Ruscio, « Les communistes français et la guerre d’Algérie, 1956 », in Le Parti communiste français et l’année 1956, Actes des Journées d’étude organisées par les archives départementales de la Seine Saint-Denis, Bobigny, 29-30 novembre 2006, Bobigny, Département de la Seine Saint-Denis, Conseil général / Paris, Fondation Gabriel Péri, 2007

[92] L’Humanité, 14 mai 1956

[93] XIV ème Congrès, Le Havre, 18 au 21 juillet 1956

[94] « Le fait national algérien »

[95] Alain Ruscio, art. cité

[96] Guy Mollet, « Que faire ? », L’Express, 19 décembre 1955 ; voir l’entrée Guerre imbécile et sans issue.

[97] L’expression remplit alors les colonnes de la presse communiste

[98] Un fait troublant : des dirigeants en vue du PCF, à commencer par le secrétaire général, Maurice Thorez, mais également le plus algérien d’entre eux, Laurent Casanova, le fidèle thorézien Roger Garaudy, n’ont pas pris part au vote, sans que jamais, ni à ce moment, ni depuis, une explication ait été apportée à cette attitude.

[99] Voir cette entrée

[100] Explications de vote par le même Waldeck Rochet, L’Humanité, 26 octobre

[101] Le jour du vote, une franche opposition se manifesta, mais tous les députés, par discipiline, finirent par voter positivement.

[102] Cette année est également celle du XX ème congrès du PCUS et des hésitations à rompre avec le stalinisme (affaire du rapport attribué au camarade Khroutchev) et de l’intervention soviétique en Hongrie, approuvée par le PCF.

[103] Lettre à Maurice Thorez, Paris, Éd. Présence africaine, 1956 (voir cette entrée)

[104] Critique de base, Paris, François Maspero, 1960

[105] In Voies nouvelles, novembre 1958, cité par Jean-Pierre Vernant, Entre mythe et politique, Paris, Éd. du Seuil, 1996

[106] AD 93, Archives du PCF, Direction, 261 J 4/13

[107] AD 93, Fonds André Moine, 332 J-4 Dossier FLN Fédération de France

[108] Gilbert Meynier, Histoire intérieure du FLN, 1954-1962, Paris, Fayard, 2002

[109] On en trouve des traces dans la quasi-totalité de l’historiographie algérienne. Voir par exemple Ali Haroun, La 7 è Willaya. La guerre du FLN en France, 1954-1962, Paris, Seuil, 1986

[110] Il s’agit évidemment des manifestations spécifiquement dirigées contre la guerre d’Algérie, et non des cortèges généralistes (1 er mai, regroupements nationaux pour la paix ou les revendications).

[111] Les manifestations de rue en France, 1918-1968, Paris, Publ. de la Sorbonne, 1997

[112] L’Humanité, 25 septembre, L’Avant-Garde, 19 octobre (manifestation pourtant non recensée par Danielle Tartakowsky, o.c.)

[113] Organisation de jeunesse liée au PCF, qui sera d’ailleurs transformée en Jeunesses communistes l’année suivante.

[114] Propos tenus à Hervé Alphand, le 23 août 1961, in Hervé Alphand, L’étonnement d’être : journal 1939-1973, Paris, Fayard, 1977