(Résumé revu par l’Auteur)
Michel Gruselle introduit la séance en remerciant l’Université et en rappelant les contraintes matérielles et horaires. Cette conférence est la première du cycle de l’année 2015-2016, dont le calendrier, presque définitif, est sur le site « cuem.info« . Avant de commencer, deux remarques préliminaires sur « l’air du temps ». (1) le Monde Dipomatique a publié ce mois-ci un article sur les Notes, récemment parues, d’Ivan Maisky, ambassadeur d’URSS à Londres dans les années 1930 et pendant la guerre. Rien n’est dit de sa mission qui était de rechercher, à tout prix, un accord avec l’Angleterre, démarche à laquelle Londres répondit par l’attitude d' »appeasement » qui, à Munich (1938), disait clairement à Hitler qu’il avait les mains libres pour attaquer l’URSS. Rien non plus dans cet article sur le livre sur Maisky publié par DELGA. Michel a envoyé un message au « Diplo » pour s’étonner de ces bizarreries. Sans réponse jusqu’ici. (2) Vous avez peut-être remarqué que le titre de la conférence n’apparaît pas sur les affichettes balisant le parcours vers cet Amphi. Le mot « Islam » est trop chaud pour notre Université… Par ailleurs, dit-il, j’ai envoyé l’annonce de cette conférence à « Démosphère » qui ne l’a pas diffusé. Un cas de censure larvée?…
Michel Gruselle présente ensuite Nasser Gabryel et raconte leur rencontre, lors d’une distribution de tracts à la sortie de l’ENS, rencontre et discussion à l’origine de cette conférence.
Nasser Suleiman GABRYEL est Docteur es sciences politiques (Thèse sur l’Islam libéral européen, 2006-2011), chercheur en Anthropologie politique (Université de Budapest), Associé à Sciences-Po (Aix-en-Provence) et chargé d’enseignement à l’EHESS (Paris), etc. (titres de ses nombreuses publications et cv à « suleyman-gabryel-cv-janvier-2015 » sur le site : www.sciencespo-aix.fr)
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Introduction
Le sujet est un peu « abrasif » et la question de l’Islam toujours compliquée. Plan en quatre parties
- Le débat : De quoi parle-t-on? Qui en parle?
- Réfléchir à la question des intellectuels, par référence à Gramsci. Leur rôle : penser l’universel…
- La question de l’Islam dans le contexte du « capitalisme culturel » : l’Islam actuel est inséré dans le marché capitaliste et relève du marché capitaliste.
- Islam et Impérialisme à partir de la définition de l’impérialisme par Lénine (un stade du capitalisme) en essayant d’éviter deux écueils, une analyse paternaliste « de droite » (immanentiste, « les musulmans sont comme ça ») ou une vision misérabiliste « de gauche » : les musulmans sont exploité, « ce n’est pas de leur faute », etc.
- Le débat.
En France, depuis « l’affaire des foulards de Creil » (1989), foulards portés par trois collégiennes dans un Collège d’Enseignement Général à Creil (Lionel Jospin étant ministre de l’Education), l’Islam n’a pas cessé d’être au centre des polémiques. Il est intéressant de retracer les mouvements de l’opinion vis-à-vis de l’Islam et de « l’islamisme », d’abord aux USA, puis en France. Depuis les années 1980 trois types de discours se sont succédés aux Etats-Unis :
(1) Dans les années 1980, la figure du guerrier afghan luttant contre les Soviétiques (qui sont intervenu dans le pays de 1979 à 1989) était présentée de façon positive. Le « moujahidine » était le défenseur de la liberté. L’équivalent, en France, fut la présentation médiatique du commandant Massoud (tué en 2001). A cette époque, la question de l’Islam était mise en rapport avec le communisme.
(2) Dans les années 1990, après la première guerre du Golfe contre l’Irak (août 1990 – février 1991), on observe une radicalisation progressive. Ben Laden condamne l’opération des Occidentaux contre l’Irak et appelle au « djihad » et la figure de « l’islamiste combattant » commence à monopoliser la scène. En France, « l’affaire de Creil » déchaîne les passions et lance un long débat entre le courant « républicain-école-laïque » et le courant « multiculturaliste » (« touche pas à mon pote« ).
(3) Après les attentats du 11 septembre 2001, commence la dérive vers la situation actuelle. L’Islam est identifié à l’Islam politique et au terrorisme (Al Qaida). Les débats télévisés mettent en scène plus de philosophes et d’exégètes du Coran (le Coran prescrit-il de tuer des Juifs et des Chrétiens?) que de sociologues et de politologues. Jusqu’au « Printemps arabe » de 2011, on a une obnubilation sur l’Islam politique à laquelle on « répond » par des débats de théologie. [Tarik Ramadan, Alain Finkelkraut?…]
François Burgat [contre?] Olivier Roy…
- Les intellectuels…
Ici, une question se pose : les meurtres de janvier dernier à Charlie Hebdo ont-ils changé les choses?
Réponse : pas vraiment. Sauf peut-être sur deux points qui témoignent d’une certaine radicalisation du débat : (a) Emmanuel Todd a affirmé que le vrai problème, en France, c’était « l’islamophobie » qui gagne et qui gêne ; (b) la montée d’un courant « rampant » : selon Eric Zemmour et Georges Ben Soussan, « l’après-Charlie » ne peut se penser qu’en fonction de l’existence de « deux peuples » au sein de la société française.
Nasser Gabryel pense que c’est un signe important d’une radicalisation du débat public. la notion de Deux « peuples » : il s’agit, grosso modo, de ceux qui ont manifesté après les attentats et des autres, et en particulier ceux des quartiers populaires. La question culturelle et ethnique est mise en avant et contribue à reformuler sous des termes racialiste la place de la religion. On cherche à « racialiser » le problème et la vision de la France. D’un côté, les « Français de souche« , de l’autre une population « afro-musulmane » inassimilable et qui résiste à la francisation.
Si on pense dans les termes de Gramsci, on doit se dire : « voilà des idéologues qui cherchent à biaiser la réalité. » Car une question ethnique possède un aspect territorial qui existe effectivement dans le ressenti populaire et dans le Sud, dans la région d’Avignon, de Cavaillon, etc. En discutant avec les gens, on entend des discours d’où ressortent vite « nous » et « eux ».
Pour nous, chercheurs, c’est un échec. Pour tout chercheur qui approfondit les questions relatives à l’Islam, il est nécessaire que le débat se formule sous une argumentation ouverte, or le paysage intellectuel se referme. L’Islam fait peur, même comme sujet de débats ! Or il est pourtant nécessaire d’examiner les questions sociales relatives à l’Islam, et en particulier d’un point de vue gramscien.
Tout le débat est biaisé. Un homme d’affaires « bien intentionné » [Félix Marquardt, lui-même musulman] avait lancé en avril un débat sur le thème « Réformer l’Islam ». Puis, la Fondation Al-Kawakibi a organisé entre Ghaleb Bencheikh et Alain Finkelkraut une discussion sur des thèmes théologiques. Or, sur la table, il y avait des verres et une bouteille de vin. Ce dont se sont emparés les islamistes de Daesh (très forts en communication) qui ont diffusé sur tous les réseaux sociaux : « Voyez, ils boivent : mais qui sont-ils donc pour prétendre réformer l’Islam? »
Le débat est enfermé dans la question théologique et dans un cadre cultuel. Pourtant, la question de l’Islam est une question religieuse ET régalienne, cogérée par l’Etat français, l’Etat tunisien, l’Etat marocain, l’Etat turc, etc. Le CFCM (Conseil François du Culte Musulman) est une structure totalement non-représentative des musulmans de France. Il y siège des représentants « élus par les mosquées« , c’est-à-dire des gens préoccupés par l’organisation du culte, et l’Etat français est leur interlocuteur exclusif. Dernièrement, Nasser Gabryel a cherché à ouvrir les débat à l’Université. Refus du Ministère.
Le problème est structurellement mal posé. Il en résulte toutes sortes d’amalgames. Pour beaucoup de gens, par exemple, tout individu ayant un nom arabe est nécessairement musulman…
…Et Gramsci?
Pour lui, la question culturelle se pose dans le cadre de la « société civile ». Les intellectuels ne sont pas seulement le « suc gastrique » permettant la digestion de idées, ils orientent indirectement les opinions. C’est seulement, affirme-t-il, lorsqu’on pourra séparer les intellectuels du Sud de l’Italie de la classe dominante (dont ils sont souvent issus) que l’on pourra envisager une action révolutionnaire.
La capacité d’un groupe social à « secréter » ses propres intellectuels caractérise son aptitude à gouverner.
Dans l’optique gramscienne, le chercheur est – consciemment ou non – un militant politique. Lorsqu’on constate à quel point la recherche en sciences sociales et en histoire est sacrifiée, on est au cœur de la politique. Pour Gramsci, l’intellectuel n’est pas seulement un militant, mais il est aussi un « penseur de l’universel ». Il doit porter la voix des opprimés, la voix du peuple (la voix de ceux qui n’ont pas de voix) mais il ne doit pas être seulement un porte-voix. Il doit penser au-delà, plus largement.
Pour la plupart, les jeunes chercheurs sont paupérisés et ils font partie du prolétariat moderne.
L’intellectuel se comprend à partir de l’idée de consensus et cette idée traduit l’existence d’un « bloc historique » [une alliance de classes]. Aujourd’hui, le capitalisme libéral a construit un tel « bloc historique » en s’appuyant sur une seule idée, celle du « marché ».
- Capitalisme culturel.
Toutes les activités économiques et culturelles, bref toutes les activités humaines, doivent être « évaluées par le marché » [critère : la rentabilité]. Toute une phraséologie managériale en découle « réformes », « évaluation des politiques publiques », « réduction des coûts », « agenda des politiques »… Tout est ramené à l’ordre économique et à la concurrence. Vous n’existez que dans la mesure où vous vous inscrivez dans cet ordre économique capitaliste. Concurrence entre les pays, entre les systèmes éducatifs, entre les courants culturels.
Or l’Islam (politique) s’inscrit dans cet ordre économique capitaliste qu’il ne conteste nullement.
Ce n’est pas seulement un problème d’idées, c’est aussi un problème de classes sociales. Les identités culturelles permettent à des groupes ou des franges des classes sociales de s’affirmer politiquement de manière victimaire dans l’ordre du marché communautaire en interne et des réseaux sociaux en externe.
En prenant un peu de recul, on constate que, depuis 30 ans, l’Occident perd son hégémonie. Le modèle de la Révolution Française a inauguré un cycle de l’occidentalisation qui se clôt avec la Révolution iranienne qui amène des religieux au pouvoir. La crise financière de 2008 a décalé les centres de gravité financiers vers les « pétrodollars » et les monarchies du Golfe. Dans ce contexte global, l’Islam politique est donc acteur pour la recomposition du monde capitaliste. Avec deux « modèles », l’Arabie Saoudite et le Qatar qui associent des systèmes politiques archaïques, des féodalités traditionnalistes et le capitalisme financier libéral le plus récent.
La mondialisation libérale rebat les cartes et supprime le lien entre capitalisme et modernité, ou progrès. La faiblesse de « Podemos » et de « Syriza » démontrent l’absence d’alternative réelle à gauche.
L’Islam ne s’oppose pas à la logique du capitalisme libéral (à la seule exception, mineure, du « prêt à intérêts »)
Les militants islamiques veulent le pouvoir, mais ce n’est pas pour s’opposer au capitalisme, ni même pour le gêner. Une bonne illustration :Manuel Valls a un discours martial vis-à-vis de Daesh, avant de se rendre en Arabie Saoudite pour faire des affaires !! Idéologiquement il n’y a guère de séparation entre Daesh et l’Arabie saoudite
En fait, et c’est ce qu’on peut conclure ici : nous subissons une défaite sur la question des classes sociales et du pouvoir des marchés économiques de l’identité . Celles-ci sont « effacées » par le discours dominant et les focalisations théologiques.
- Islam et impérialisme.
Peut-on vraiment parler d’une simple radicalisation théologique de l’Islam? Le rapport théologique n’est pas réductible à un ordre de ressentiment identitaire, il est lui-même corrélé par un ordre du marché ou l’identité est un processus monnayable et commercialisable. Ne sommes-nous pas plutôt en présence d’une revendication mimétique, d’une volonté de reproduire sous une forme endogène une version capitaliste et mondialisé de l’Oumma (Communauté des croyants)? Jusqu’ici, à l’échelle géopolitique, le monde arabo-musulman a été marginalisé. Les pays occidentaux, capitalistes, développés sont des « métropoles », des « centres » auxquels correspond une « périphérie » à l’intérieur de leur société et à l’extérieur. Cette périphérie reproduit le discours anti-impérialiste d’une identité dominée, déclassée mais avec une nuance de taille, l’anti-impérialisme se fait au nom d’une nouvelle idéologie impérialiste qui revendique sa propre centralité économique et politique. La revendication identitaire de l’islam politique n’est qu’une des déclinaisons de cette vision ou identité, marché économique et théologie politique se coagulent jusqu’à affirmer une logique impériale. La principale revendication de Daesh, c’est de devenir un « centre » dans cette logique « centre-périphérie ».
C’est ce qui permet au discours « révolutionnaire-islamiste » de recruter et d’enrôler des déclassés et des jeunes en déshérence de tous les pays. Cette rhétorique de la transformation radicale se fait au nom d’une conception victimaire et contre révolutionnaire où le passé mythique est érigé en finalité politique, ou l’Ancien régime féodal est constitué comme un futur désirable, On leur promet qu’ils seront désormais l’élite du futur « nouveau centre impérial » dominant. Ce nouvel Islam recrute parmi les anciens « marxistes » déçus.
Le consensus libéral (le capitalisme comme horizon indépassable) n’est est nullement affecté. Si vous vous battez pour (faire reconnaître) « ce que vous êtes, » vous ne vous battez pas pour changer le monde, pour bâtir « autre chose » en passant par une étape révolutionnaire.
Le salafisme est une version néo-traditionnaliste de l’Islam politique qui à l’occasion de répression des printemps arabes a trouvé un espace politique d’opposition au détriment des courants démocrates libéraux. Exemple : en Egypte, les salafistes jouent un rôle dans la radicalisation d’une certaine jeunesse déboussolée par la confrontation binaire entre répression politique et confrontation avec les Frères musulmans. Ce qui sanctionne une impasse momentanée ? du mouvement libéral démocratique entre le marteau du pouvoir militaire et l’enclume des Frères musulmans mais aussi du salafisme radical.
La France a connu une rupture, dans les années 1980, avec le « mouvement Beur« , mouvement égalitariste basé sur la revendication « d’être des citoyens comme les autres » où apparaissait une certaine conscience de classe et une volonté politique minimum (avoir des représentants). Mais ce mouvement a été récupéré par les socio-démocrates§. Cette récupération a consisté à transformer des revendications égalitaires en revendications identitaires par le biais du multiculturalisme. Le mouvement de 1983 (à la différence de celui de 1984 dit mouvement des mobylettes) reposait sur un libéralisme politique romantique qui se voulait extérieur au problème marxiste de l’exploitation. Faute de s’inscrire nettement dans une réflexion critique, les militants associatifs ont progressivement été mise à la marge du processus politique ou ont été récupéré dans l’ordre dominant.
La polarisation sur les sujets de reconnaissances culturelles initiées par les politiques publiques dans les années 80 (Notamment dans les politiques de la ville, avec les dénominations type ZEP, ZUP, etc.) fut un piège permettant la dépolitisation de la question de l’exploitation, des inégalités politiques et salariales au profit des problématiques culturelles sur les questions identitaires. Les syndicats et le PCF se sont noyés là-dedans. Cette dérive et l’échec des années 1980 ont induit l’idée – qui apparaît nettement dans les années 1990 – que la politique n’apporte plus rien. En conséquence, se développe une idée de la « réussite » sur le modèle américain. Puisque la revendication, trop faible, ne mène nulle part, on va faire du « bizenès« . C’est le début du « marché communautaire« .
Dans un tel contexte, le « travail social », qui était animé dans les années 1970 par les Jeunesses Communistes (JC), le catholicisme social ou par de jeunes gauchistes de culture ouvrière, va complètement changer d’aspect. A partir des années 1990, ces « travailleurs sociaux », nés avant 1960, sont fatigués. Ils laissent la place à une génération et à un discours différent. Le « travail social » consiste à « aider les pauvres » en mettant en place des « programmes sociaux », ou « d’insertion », etc. On culpabilise les pauvres et on déconsidère la revendication politique, la revendication de classe. Le discours sur l’égalité est perverti.
Arrive au premier plan une nouvelle génération « managériale » dont Martin Hirsch est un exemple parfait. Ce sont des gestionnaires de politiques sociales. Le discours sur « l’économie sociale et solidaire » sert à justifier le marché aux esclaves des « programmes d’insertion ».
Et tout ceci est parfaitement compatible avec le discours des hommes politiques qui parlent « d’identité » et de « multiculturalisme » identitaire.
Conclusion.
La présence du « marché communautaire » ne doit pas être oubliée. On voit apparaître de « nouveaux entrepreneurs », des « entrepreneurs moraux » qui font le lien entre les « marchés communautaires » et les « politiques d’insertion » sans aucunement perdre leur identité. En effet, ceux qui réussissent font le pèlerinage de La Mecque et forment une nouvelle bourgeoisie pieuse qui fait le lien entre l’Islam religieux et l’Islam politique.
Ce nouveaux entrepreneurs sont à la fois économiques et moraux. Ils investissent dans le social, dans les « associations islamiques » et veulent moraliser le bizenès. Ils sont absolument dans la vieille logique américaine des puritains qui s’investissaient avec énergie dans les affaires. Une nouvelle sociologie du culte apparaît.
A l’étape suivante, on voit apparaître un discours victimaire sur l’Islam produit par les élus locaux (par exemple, à Cavaillon) qui n’est qu’un discours électoraliste visant, d’une part, à calmer le prolétariat musulman et d’autre part à installer une relation élu – clientèle. L’Islam est un puissant élément de domestication du prolétariat. l’imam salafiste Abou Houdeyfa dit à ses ouailles : « Votez! votez pour me donner plus de poids vis-à-vis des pouvoirs publics! » Dans ces conditions, les élections ne sont plus une manifestation de démocratie et de citoyenneté mais une nouvelle façon de consacrer des notables religieux dépositaire de marchés communautaires. Le danger, aujourd’hui, c’est la convergence entre l’économique, le politique et le religieux communautaires.
Discussion.
Q1 : (Lecas) Sur la question des « deux peuples », vous avez mentionné E. Zemmour. Dans son livre, celui-ci évoque (1) l’immigration organisée à l’initiative du patronat (citation de documents du XIXe siècle sur les filatures du Nord) et (2) le problème de la montée du communautarisme (dont vous n’avez pas parlé) comme conséquence de la politique de « regroupement familial » sous Giscard. Avant la mise en place de cette politique, les travailleurs immigrés épousaient des françaises et leurs enfants parlaient français à la maison comme à l’école. Ensuite, ayant fait venir leur femme du pays d’origine, on s’est mis à parler la langue du pays d’origine à la maison, l’adaptation des enfants à l’école était plus difficile. Et ce d’autant plus qu’à la même époque, de « réforme » en « réforme », on a commencé à démolir l’école publique. Etes-vous d’accord? Souscrivez-vous à cette analyse du communautarisme?
Q2 : (Petia) Que signifie « Islam politique »? Les « moujahidines » afghans n’étaient pas les « talibans » et ne voulaient pas imposer la « charia ». L’Islam « politique » a été récupéré par l’impérialisme mondial comme une arme pour investir un espace territorial (ex. les Frères Musulmans).
Q3 : (Luigi) Le mouvement « d’islamisation » s’est répandu même aux Etats-Unis lorsque le boxeur Cassius Clay s’est converti en se faisant appeler Mohamed Ali. La politique étatsunienne l’utilise pour semer le désordre et diviser le monde arabo-musulman afin qu’aucun Etat ne soit assez fort pour légiférer et intervenir dans les affaires concernant les « pétrodollars ».
Q4 : (X Solomone : coup de gueule) Ancien communiste PCF et militant associatif, voit l’Islam pénétrer partout, y compris dans l’Association Léo Figuière et même ici… [??] La classe ouvrière a été chassée des immeubles de banlieue par des musulmans employant des méthodes fascistes appuyées par les autorités municipales… [monopolise la parole et suscite un rappel à l’ordre de Michel Gruselle]
Q5 : (X) Brosse un grand tableau depuis que Mahomet a divisé les religions de l’Ancien Testament… [pas suivi…]
Q6 : (Cukierman) La montée de l’Islam politique ne s’est pas produite n’importe quand. On l’a observée dans la même période que la disparition de l’URSS et l’affaiblissement des partis et des organisations de classe. On a vu d’abord apparaître des idéologies et des mouvements nationalistes, mais ceux-ci ont été vite récupérés par le communautarisme et le fondamentalisme religieux. Je suis frappé par le parallélisme entre l’évolution que vous retracez dans votre exposé et la logique fasciste. Il s’agit toujours de récupérer la révolte pour la mettre au service du grand capital, aujourd’hui international [NB et allié aux pétromonarchies du Golfe]. Auparavant, le féminisme avait joué le même rôle que l’Islam pour diviser les travailleurs.
Q7 : ( Jeannine) Rappelle que les luttes à PSA Aulnay ont été menées par des immigrés ce qui contredit la figure de l’immigré docile instrument du patron. Pas du tout d’accord avec les interprétations de Zemmour.
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Réponses :
L’immigration utilisée par le capitalisme? il est évident que le patronat tente d’utiliser les immigrés dans tous les conflits revendicatifs. L’objectif, à terme, c’est la destruction d’une classe ouvrière. La fabrication du communautarisme a une signification simple : il vaut mieux faire entrer l’Islam à la maison que la conscience de classe !
L’Islam politique est né en 1928 avec les « Frères Musulmans », mouvement fondé au nord de l’Egypte par Hassan El-Banna sur un modèle nationaliste-religieux. Mais les Frères Musulmans ne sont pas seuls car l’islamisme est compatible avec beaucoup d’autres ingrédients : en Afghanistan par exemple, et contrairement à ce qui a été dit, Massoud était bien islamiste et il était en même temps nationaliste.
Au début des années 1950, les Etats-Unis d’Eisenhower s’intéressent à eux et la CIA les soutient contre les « nationalistes arabes » laïcs, en raison bien entendu d’objectifs géopolitiques pétroliers. Au Moyen-Orient, il vaut mieux s’appuyer sur l’Arabie Saoudite que sur l’Egypte de Nasser ou l’Irak d’Aref ou de Saddam Hussein. A cette époque, la nébuleuse islamique est présente en Irak, en Syrie, en Egypte, etc.
Aujourd’hui, la parenté avec le fascisme et le nazisme est juste si l’on pense à Daesh : on y voit une fascination pour la force et la violence ainsi que des mots d’ordre anti-intellectuels. Il y a bien des parallèles à faire mais on ne peut pas les pousser trop loin, car pour comprendre l’effet d’attraction idéologique, il s’agit de voir l’instrumentation anti-impérialiste par certains islamistes prétendent aussi continuer les anciennes luttes de libération anti-occidentales.
D’accord avec la question du genre (féminisme) et les discours qui ont démoli l’école publique : le multiculturalisme débouche sur des programmes scolaires au rabais et sur une logique raciste d’apartheid : « laissons-les se débrouiller entre-eux« … (il y a « nous » et « eux »)
Les débuts? Difficile à démontrer mais « selon mon opinion », dit Gabryel, on a soutenu les idéologies religieuses aussitôt après la Première Guerre mondiale. On, c’est-à-dire les puissances impériales, l’Angleterre et la France.
Ici, intervention de Solomone… La confrontation entre les immigrés et les « Français de la classe ouvrière » remonte loin : massacre d’ouvriers italiens à Aigues Mortes (1893) et bagarres entre Français et immigrés dans l’entre-deux-guerres, instrumentalisées (bien sûr) par des politiciens peu scrupuleux. L’affaire des « deux peuples » de Ben Soussan, c’est l’idée du choc des civilisations. Les « élites » issues de l’émigration n’ont jamais pris en compte l’histoire ouvrière de la France. Pareil pour le logement social dont les Français sont exclus. (Protestations dans la salle).
Réponse de Gabryel : A partir de la Ve République, on a vu un partage d’influence et même une gestion locale partagée entre la droite (les gaullistes) qui « tenait » Paris et le PCF qui était solidement implanté dans la « ceinture rouge » des banlieues. Avec le déclin du PCF, ce partage a disparu et il a été remplacé par des phénomènes d’ethnicisation qui ont constitué un terreau favorable à la religion.
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Michel Gruselle clôt la séance : A nous maintenant de réfléchir pour prolonger cette discussion.