09/02/2023 – J. MORANDAT-GRUSELLE :
Lecture commentée de L’impérialisme, stade suprême du capitalisme de V. I. Lénine

« L’impérialisme, stade suprême du capitalisme » a été écrit en russe à Zurich en 1916. J’ai travaillé sur la traduction publiée par les Éditions du progrès en 1969. Dans sa préface de 1917, Lénine explique qu’il utilise un vocabulaire et des exemples lui permettant d’échapper à la censure en Russie.

Cet ouvrage a donc été écrit avant la fin de la guerre 14/18, guerre qu’il qualifie dans sa préface de 1920, de guerre de classe pour le partage du monde : « Pour les colonies et pour les zones d’influence du capital financier ». Il ne se borne donc pas à la situation de la fin du XIXè essentiellement période de partage des colonies. Il développe son raisonnement, d’une modernité extraordinaire.

C’est pour cette raison que j’ai fait un résumé de cet ouvrage en utilisant au maximum les termes de Lénine. J’entrecouperai mon exposé d’exemples actuels (en rouge dans ce texte) afin que cela soit plus parlant pour vous.

Il insiste à plusieurs reprises sur le fait que le développement du capitalisme ne se fait pas par étape, c’est un processus continu mais non linéaire, les bonds sont possibles (aujourd’hui avec les progrès techniques et scientifiques).

Lénine, page 21, fait référence à Marx qui dans Le Capital, explique que la libre concurrence engendre la concentration de la production, laquelle arrivée à un certain degré de développement, conduit au monopole. Bien que Marx vive à l’époque de la libre concurrence, qui était le credo des économistes et des capitalistes de l’époque, il avait déjà sous les yeux l‘émergence de ce capitalisme de monopole (par exemple la Société Générale, est fondée en 1864 par de grands industriels français et SCHNEIDER en sera le premier Président).

Lénine s’appuie sur de nombreux écrits de marxistes (en particulier HILFERDING, marxiste allemand), mais aussi de non marxistes.

Il rappelle page 77 que « le capitalisme c’est la production marchande à son plus haut degré de développement, où la force de travail elle-même devient marchandise».

Tout son raisonnement s’appuie sur ce fondamental.

Voyons maintenant ce raisonnement de Vladimir Illitch Lénine:

I-CONCENTRATION DE LA PRODUCTION : LES MONOPOLES

Le capitalisme, rappelle Lénine sépare le capital de son application à la production : le capital argent (les banquiers) du capital productif (les industriels) du capital foncier (les rentiers).

Or, fin 19é/début 20è, il y a un développement intense de la production, en raison des découvertes scientifiques, du perfectionnement technique et de la réduction possible des frais de production. Peu à peu des unités industrielles immenses se constituent . Elles conquièrent un domaine après l’autre (de la transformation des matières premières à la production, de la production au commerce et au transport).

Cela conduit à la CONCENTRATION DE LA PRODUCTION : ceux qui possèdent le capital argent possèdent le capital productif. On assiste à la réunion de plusieurs entreprises, de plusieurs branches (production de la fonte, transformation de la fonte en acier, production de produits finis…) (KRUPP se constitue autour du chemin de fer et se développe dans la mécanique, la métallurgie, la sidérurgie, l’armement, voir son rôle dans la première guerre mondiale. Les dernières fusions sont avec Thyssen et Hoesch). Une très forte concurrence se développe, les petites entreprises et les entreprises précaires périssent, en particulier pendant les périodes de crise (voir ce qui se passe actuellement dans la restauration).

Les entreprises deviennent géantes (Arcelor-Mittal, PSA, EDF, Total, Sanofi mais aussi dans le commerce…). Elles mettent la main sur les voies et les moyens de communication. Il y a combinaison entre entreprises : faillites, rachats…

Ainsi il y a DANS LA PRODUCTION, TRANSFORMATION DE LA CONCURRENCE EN MONOPOLES avec des achats, des fusions, des ententes possibles : les Unions monopolistes (exemple actuel : PSA, union de Peugeot, Citroën, Opel,Fiat, Chrysler, Vauxhall, Talbot, Simca…). Ce développement des entreprises et des banques est inégal et se fait par à coup.

Cette transformation accélère et renforce le processus de concentration des capitaux.

II- CONCENTRATION DES CAPITAUX et TRANSFORMATION DES BANQUES EN MONOPOLES

Cette concentration de la production appelle des besoins énormes d’investissements. Les banques deviennent géantes et essentielles pour prêter au secteur productif de quoi investir. Il y a accroissement des opérations bancaires et les grosses banques détiennent la presque totalité du capital argent des capitalistes (aujourd’hui celui aussi des salariés, puisque nous sommes payés par chèque et virement bancaire). Les banques ont pouvoir sur le crédit (élargir ou restreindre) et se subordonnent ainsi les opérations commerciales et industrielles de la société capitaliste toute entière. Elles asservissent les entreprises et le capital industriel en est de plus en plus dépendant. Les banques deviennent toutes puissantes (elles peuvent y compris refuser la création d’un compte bancaire sans donner de raisons).

Ce processus accélère et renforce la concentration des banques et donc des capitaux, par absorption ou rattachement, les petites banques disparaissent. Il y a donc concentration des banques et rapport étroit entre les banques et les entreprises industrielles.

À l’époque de Lénine, il y contradiction entre capital bancaire monopoliste et capital commercial encore très concurrentiel : le petit commerce (il reste encore aujourd’hui des « traces » de ces petites entreprises concurrentielles, mais une bonne partie est impliquée dans un processus de monopolisation : coiffeurs –Dessange- ; boulangers –Jacquet- ; bouchers –Charal-).

Cette concentration bancaire et industrielle remplace l’ancien capitalisme où régnait la libre concurrence. Le nouveau capitalisme est MONOPOLISTE et ces monopoles sont cause et résultat de l’ interpénétration capital bancaire/capital industriel, ce que Lénine nomme capital financier, capable certes de hâter les progrès techniques mais CE CAPITAL domine toute la société.

III- Le NOUVEAU CAPITALISME MONOPOLISTE et L’OLIGARCHIE FINANCIÈRE

On assiste, je l’ai dit, à une fusion ou interpénétration des banques et de l’industrie. Une énorme oligarchie financière se constitue à travers les sociétés par action où il suffit de quelques % (les économistes actuels considère que c’est possible à partir de 5%) pour dominer (SANOFI, l’actionnaire principal est L’ORÉAL avec plus de 9 % des actions (et plus de 16 % des droits de vote), dans l’actionnariat de ce groupe, les institutionnels (c’est à dire les grands groupes et les États) sont plus de 77 % dont + de 26 % américains, +de 16 % français, plus de 14 % Britanniques ; on parle beaucoup de l’actionnariat salarié, il représente 1,62 %! Je vous fais passer la liste des filiales de SANOFI, près de 300 dans le monde entier, c’est dire la puissance de ce monopole. Cette liste n’est pas publique.). La soit-disant « démocratisation » de la possession des actions qui se développe aujourd’hui, mais déjà là à l’époque de Lénine, est un leurre: les petits actionnaires n’ont aucune voie au chapitre.

Les sociétés par actions remplacent le capital familial et favorisent ce développement tout en laissant au capital familial des grandes sociétés un poids essentiel : ainsi aujourd’hui le groupe familial Peugeot détient 14,38 % du capital de PSA et 19,38 % des droits de vote. Rappelons que PSA a créée sa propre banque et détient aussi une entreprise essentielle au secteur : Faurecia. PSA est implantée en Chine, Iran, Inde…

Les bénéfices sont énormes et croissants avec la constitution de « firmes », les émissions de valeurs. Les États jouent aussi un rôle dans cette évolution : les emprunts d’État des pays (pour faire face à la construction nécessaire des moyens de communication, à l’éducation, à la santé…pour faire face aux besoins de la main d’œuvre nécessaire au capitalisme et à son développement).

Les représentants de cette oligarchie financière se retrouvent au niveau des États, des gouvernements, des hauts fonctionnaires (les exemples actuels pullules!). Il y a attraction sur tous les fonctionnaires et développement de la corruption (financière et autre) dans les États. (exemple auquel on pense peu : la valorisation de certains terrains, logements, commerces grâce à l’opération du Grand Paris et aux choix de trajet du RER)…

Lénine cite un économiste allemand, nullement marxiste, Ernest page 30 « le plus grand succès ne va pas au négociant mais au « génie » de la spéculation ».N’est-ce pas la raison de la popularité des grandes écoles de commerce et de finance ?.

En effet, les capitaux bancaires se divisent en capitaux à placement productif et spéculation. Ce capital FINANCIER est concentré entre quelques mains, il exerce un monopole de fait, ses prélèvements sont de plus en plus importants.

Le système de participation se développe avec des sociétés mères dominantes et des filiales, par constitution ou adjonction (des filiales où tout peut se passer, dit Lénine). Cette évolution concerne les banques d’un même pays mais aussi les relations avec des banques étrangères au pays en question (TOTAL, je ne résiste pas à citer ce monopole, constitué au niveau de l’actionnariat de + de78 % d’institutionnels : + de 15 % français, + de 10 % de britanniques, plus de 17 % pour le reste de l’Europe, 30 % pour l’Amérique du Nord, dont Black Rock. Je ne résiste pas non plus à citer Marc Endeweld1 (qui n’est pourtant pas parmi mes auteurs préférés), il écrit p.108 « chaque nouveau réacteur construit par Rosatom dans le monde permet aux différentes entreprises françaises sous-traitantes du secteur de toucher la bagatelle de 1 milliards d’euros. Parmi elles, on trouve les groupes Vinci, Bouygues, Dassault [etc] » et page 110 « Total a obtenu du pouvoir russe une licence d’exportation de gaz, jusqu’alors monopole de Gazprom » c’est dire l’imbrication des groupes, leur taille et leur pouvoir. Total a 903 filiales dont vous pouvez trouver la liste sur internet.

Les dirigeants des monopoles se répartissent les postes directoriaux : dirigeant des conseils d’administration des banques et des entreprises de production. Lénine nomme cette interpénétration union « personnelle » des dirigeants des banques et des dirigeants des grosses entreprises industrielles et commerciales.

Il consacre quelques lignes au capital foncier (capital de rente foncière) : précisant qu’il y a aussi fusion avec le capital bancaire, avec spéculation sur les terrains, ce qui constitue une opération très lucrative pour le capital financier : il y a constitution de sociétés par les banques (BNP/Real Estate pour investissement immobilier, promotion, transaction, expertise).

Lénine fait aussi un sort aux illusions concernant les monopoles d’État :

page 92 « les monopoles privés et LES MONOPOLES D’ÉTATS s’interpénètrent à l’époque du capital financier, les uns et les autres n’étant que des chaînons de la lutte impérialiste entre les plus grands monopoles pour le partage du monde » (voir la RATP, encore service public, et ses marchés au plan mondial)

IV- L’EXPORTATION DE CAPITAUX et le PARTAGE DU MONDE ENTRE GROUPES FINANCIERS

Les anciens capitalistes exportaient des marchandises, ainsi au début du XIXè siècle l’Angleterre prétendit au rôle « d’atelier » du monde entier, ce pays se ravitaillait en matière première (ex coton en Inde) et exportait les produits finis. (la Chine il y a 5/6 ans)

Les nouveaux capitalistes se partagent le marché intérieur de leur propre pays en s’assurant le contrôle et la possession de toute la production. Or en système capitaliste, le marché intérieur est lié au marché mondial et le marché est mondialisé depuis longtemps (caoutchouc = Indochine ; dattes= Maghreb ; huile de colza et d’arachide= Afrique ; coton = Inde, USA, pensons aussi à l’or= Amérique du sud, puis Afrique; aux épices= Chine et Moyen Orient ; à la soie… et aussi aux esclaves…). La mondialisation de la production devient gigantesque, le commerce aussi : ne parle-t-on pas aujourd’hui de chaînes de valeur au plan mondial.

L’accumulation et l’excédent de capitaux conduit ainsi le capitalisme MONOPOLISTE à exporter des capitaux. Les échanges financiers, nationaux et internationaux sont en expansion. Les capitalistes augmentent ainsi leurs profits. Au fond, il s’agit pour le capital financier, en exportant des capitaux, de trouver de nouveaux marchés et de nouvelles sources de profit. Pour cela, le capital financier se partage le monde et accélère encore l’accumulation.

Il ne s’intéresse donc pas seulement aux colonies mais aussi aux zones d’influence et l’on va vers la formation de cartels internationaux, c’est à dire des groupes ayant plusieurs sociétés (SIEMENS, naît du télégraphe au XIXé, s’y ajoute peu à peu téléphone,éclairage, moteur, métallurgie, électro-ménager, santé, mobilité, bâtiment, informatique. Les dernières fusions sont avec BOSCH et NOKIA, rappelons que SIEMENS a financé Hitler avant même 1933 et a utilisé la main d’œuvre concentrationnaire dans ses usines pendant la seconde guerre mondiale, c’est dire que ces groupes sont loin d’avoir les mains propres). Aujourd’hui , on peut observer de véritables réseaux internationaux de dépendances et de relations du capital financier, au point que l’on ne sait plus qui a racheté quoi .

Les pays peu ou pas développés sont les plus concernés par cette exportation de capitaux. Lénine explique que la concurrence au plan international fait rage et si le marché financier est peu favorable en terme d’investissement dans certains pays, il y a toujours des avantages à la clé : relations, marché, influence… Par exemple : prêt pour la construction de chemin de fer. Le financier prêteur s’assure l’utilisation des matériaux des entreprises qu’il contrôle et attend un futur marché…

Il y a accord entre ces groupes pour le partage du monde mais tout est fonction du rapport des forces : crises, guerres…(ex le pétrole dont Lénine parle déjà en 1916 : les banques développent systématiquement et de façon autonome l’industrie du pétrole. Il y a bien sûr des luttes dans ce partage (par ex la standard.oïl-Rockefeller/la Shell-hollando-britannique, mais Rockefeller possède aussi transport et livraison, il est le plus fort ; Bakou-laRussie/Allemagne., une des raisons de la première guerre mondiale et de la seconde…) .

Le degré de concentration déjà atteint oblige les groupes capitalistes à s’engager dans cette voie conflictuelle afin de réaliser des bénéfices : formes purement économiques, formes économiques et militaires, formes militaires des conflits, cela n’importe pas.

Du coup les rapports entre États deviennent des rapports basés sur ce partage et sur la nécessité pour les États de créer/maintenir des rapports de force favorables à leurs monopoles.

V- LE PARTAGE DU MONDE ENTRE LES GRANDES PUISSANCES

À la fin XIXè, les États font la chasse aux colonies avec soit des objectifs purement économiques soit des objectifs sociaux-économico-politiques : installer des excédents de population, trouver de nouvelles terres à exploiter, de nouveaux marchés, de la main d’œuvre, de nouvelles matières premières…

Lénine explique que l’expansion coloniale a été inégale et que de nouveaux partages sont toujours possibles (pensons au pétrole et aux guerres au Moyen Orient). Mais il insiste sur le fait que le capitalisme traditionnel a connu ses limites entre 1860 et 1880.

Dès la fin du XIXè, il y a coexistence de colonies et de pays semi-coloniaux (Perse, Chine, Turquie…). D’autres, indépendants mais pris dans des dépendances financières et diplomatiques (ex l’Argentine, le poids des capitaux anglais dans ce pays).

On assiste, à l’époque de Lénine, à la fin du partage des territoires du globe en terme d’annexions, mais les violences se poursuivent: expansion politique et profit deviennent des objectifs primordiaux. Cette domination du capital financier renforce les inégalités et les contradictions d’où la nécessité pour lui d’utiliser la force car il y a dit -Lénine- disproportion entre développement des forces productives et accumulation des capitaux ; disproportion entre partages des colonies et des zones d’influences.

Le nouveau capitalisme aggrave la lutte pour le partage du monde et la prépondérance des intérêts financiers sur les intérêts commerciaux.

On en arrive ainsi à une exploitation gigantesque du globe, une course aux trésors, aux marchés, à la force de travail (il faut y ajouter aujourd’hui la course aux voies de communication et aux ressources des mers).

Le capitalisme financier prend de l’ampleur et veut non seulement exporter des capitaux mais dominer le monde, il veut donc une politique internationale conforme: la course du capitalisme financier devient celle des Nations (contradictions, conflits, rivalité, hégémonie), rappelons que ce sont les États qui possèdent la direction militaire.

Les ÉTATS, les grandes puissances doivent chercher, au-delà des colonies, un partage en terme de zones d’influence. Les formes de la lutte changent constamment, MAIS l’essence de la lutte, son contenu de classe ne change pas. il y a donc luttes politiques à l’intérieure des Nations et entre Nations. Il y a aussi formation d’unions internationales monopolistes (la CEE, le marché commun, l’ ASEAN [Association des Nations de l’Asie du Sud-Est] la CÉLAC [Communauté d’États Latino-Américains et Caraïbes])…

page 122 « la domination du capital financier n’atténue pas les inégalités et les contradictions au plan mondial, elle les renforce »

Les impérialismes sont en lutte. Pourquoi l’intervention des États ? J’ai expliqué que loligarchie financière est présente et dominante à la tête des États et dans les institutions publiques : elle a ainsi pouvoir de décision.

Ce système constitue le capitalisme actuel : le capitalisme impérialiste.

 

VI- L’IMPÉRIALISME

Le CAPITAL FINANCIER est concentré et dispose d’un réseau vaste et serré de rapports, relations, influences…Ce capital est le résultat de la fusion capital industriel et commercial/capital bancaire. L’industriel, le commercial et le banquier constitue le financier grâce à LEUR LIEN INDISSOLUBLE.

Pour Lénine c’est une étape historique de développement du capitalisme, ce qu’il appelle L’IMPÉRIALISME.

Page 160 « le monopole qui naît sur le terrain et à partir de la libre concurrence marque la transition du régime capitaliste à un ordre économique et social supérieur »

Lénine se livre à une critique acerbe de Kautsky et de certains courants de la social démocratie allemande, ce qu’il nomme le social-impérialisme. Il insiste : les réformes ne résoudront pas les problèmes car la libre concurrence a engendré les monopoles, les monopoles ont engendré le capital financier et l’oligarchie financière, et pour finir l’impérialisme.

Il cite page 147 Hilferding. « la réponse du prolétariat à la politique économique du capital financier, à l’impérialisme, ne peut être le libre échange, mais seulement le  socialisme […] l’abolition complète de la concurrence par la suppression du capitalisme »

L’IMPÉRIALISME c’est le stade monopoliste financier du capitalisme, la fusion capital industriel et capital bancaire, son expansion mondiale et sa pénétration des États. Il y a un engouement général pour les perspectives de l’impérialisme. C’est une idéologie pénétrante.

Comment le définir ? Lénine insiste sur le processus historique à l’oeuvre :

page 161 « le monopole est issu de la politique coloniale » j’y ajouterais la traite triangulaire de l’esclavage.

A partir de ce constat Lénine déroule les caractéristiques de l’impérialisme. attention il ne s’agit pas d’étape :

  • concentration de la production et du capital : les monopoles industriels et bancaires

  • fusion capital bancaire et capital industriel : les monopoles financiers

  • « Union personnelle » capitalistes industriels/capitalistes bancaires : l’oligarchie financière

  • dépendance des institutions publiques à cette oligarchie financière et mondialisation de ce système: l’impérialisme

Il ajoute que dans les zones d’influence (colonies, zones d’exportation de capital, de sources de main d’œuvre et de matières premières…)  une bourgeoisie parasitaire et la corruption servent les objectifs de cette oligarchie.

VIII- CRITIQUE DE L’IMPÉRIALISME

Certes dit Lénine, il peut y avoir des coalitions impérialistes (y compris militaire l’OTAN) mais pas d’exploitation de l’univers en commun par les monopoles et les États IMPÉRIALISTES.

Il y a toujours concurrence. Il y a toujours luttes pour le partage du monde. Les grandes puissances tendent à l’hégémonie.

page 156 « les alliances pacifiques préparent les guerres » et alternent avec les guerres.

Partout la tendance est à la domination, aux annexions, à la violation de l’indépendance et donc au renforcement de l’oppression générale des peuples.

Les pays ont des histoires différentes mais sont tous dans ce système : Les pays sous développés sont entraînés dans l’engrenage du capitalisme mondial (construction de voies de transport, exportations agricoles, main d’œuvre à bas coût)…

Cette extension constitue pour Lénine une base solide pour l’oppression et l’exploitation impérialiste des pays et peuples du monde. A son époque, les pays les plus riches sont ceux qui ont le plus d’immenses colonies : Algérie pour la France, Indonésie pour les Pays Bas, Inde pour l’Angleterre). (A notre époque, on peut analyser une autre forme d’expansion territoriale celui des USA qui constituent l’impérialisme hégémonique, actuel. Il n’y a pas eu colonialisme mais leur richesse n’est pas tombée du ciel : ils ont quasi-génocidé les Indiens et se sont attribués leurs terres. Ils ont mené une longue guerre, non-officielle et officielle, contre l’Espagne conclut par l’annexion de fait en 1898, des Philippines (c’est un pied dans l’océan Indien). Ce n’est qu’en 1946, après un très long conflit aux multiples péripéties que l’indépendance des Philippines sera reconnue, mais ce pays reste dominé par les USA. Ils ont alimenté un long conflit avec le Mexique –1845/1848- avec lenvahissement du Texas et l’annexion de la Californie, de l’Arizona, du Nevada, de l’Utah, d’une partie du Colorado et du Nouveau Mexique (1/3 du territoire des USA), sans oublier l’achat de l’Alaska à la Russie.

A l’époque de Lénine, certains pays occidentaux sont encore sous développés en Europe, il cite la Russie expliquant que les capitaux étrangers y sont investis dans les entreprises industrielles.

L’on voit bien que pour Lénine l’IMPÉRIALISME EST UN SYSTÈME quel que soit le développement du capitalisme monopoliste dans tel ou tel pays. Tous y sont soumis.

Comment lutter contre cet impérialisme ?

Avant de développer ce dernier point, je souhaite citer quelques détails de son document qui vous intéresseront : Lénine dit que l’Europe se déchargera du travail manuel sur les hommes de couleur, avec accroissement de l’immigration, que le recrutement de l’armée se fait parmi les plus dépendants, qu’il y a corruption des couches supérieures du prolétariat. Nous constatons cela aujourd’hui.

Donc comment lutter ?

En s’appuyant dit Lénine sur ses contradictions de ce système impérialiste. Celles qu’il cite à son époque : contradictions monopoles/libre-concurrence, contradiction entre grosses opérations financières/commerce « honnête », entre sous alimentation des masses/richesse mondiale (c’est encore le cas aujourd’hui 22 % de la population européenne est confrontée à la pauvreté).

J’y ajouterai aujourd’hui : entre besoins pour la production/taux de rentabilité du capital, entre taux des profits/santé des salariés, entre exploitation-surexploitation de la main d’œuvre/reproduction de celle-ci, entre stagnation des salaires, des conditions d’embauche, de travail des jeunes/besoins de ces jeunes pourtant nécessaires à la production des marchandises et des services (pensez aux étudiants qui travaillent chez Mac Do tout en poursuivant leurs études), entre niveau d’études important et nécessaire/âge de la retraite…

La contradiction principale qu’il souligne n’est-t-elle pas toujours et de plus en plus essentielle : il y a socialisation de la production et de la commercialisation des marchandises et services (au plan mondial) mais la propriété des moyens de cette production est toujours privée.

Y a-t-il , comme Lénine l’annonce tendance à la stagnation du capitalisme impérialiste avec moins de stimulant pour les progrès techniques, plus de rentiers et plus d’États usuriers ou débiteurs? A-t-on à faire à un capitalisme agonisant ? C’est une autre question.

Lénine soulève des questions qui font débat aujourd’hui. Discutons-en. En particulier :

– L’Impérialisme comme système quel que soit l’État de développement du pays

– Les monopoles d’État dans l’Impérialisme ne sont pas des formes de socialisme

1Guerres cachées, les dessous du conflit russo-ukrainien, éd.Seuil,2022